H.P. Blavatsky et l’accès au Tibet

 

En 1856, voyageant en Inde, Helena Blavatsky tenta d’aller au Tibet ; en vain ; l’entreprise échoua.

En 1864 elle parvint à pénétrer pour la première fois au Tibet. Le volet oriental de son Initiation va dès lors prédominer pour un temps ; cette étude durera trois ans (1864-1867) mais on ne possède pas de détails sur ce cycle de par sa propre volonté. Tout au plus donne-t-elle quelques indications sur les principes de la formation magique qu’elle suit aux côtés de son Maître, le Mahatma Morya, qu’elle présente comme d’origine Radjpoute qui réside, tout comme son autre Instructeur — le Mahatma Kout Houmi — principalement à Shigatsé, au Tibet, à proximité de Tashi-lhunpo, à près de 250 kilomètre de Lhassa[1]. Elle précisa à ce propos :
«  J’ai vécu à différents moments dans le Petit et le Grand Tibet [Sikkhim]… et ces périodes combinées forment plus de sept ans. Cependant, je n’ai jamais affirmé ni verbalement ni sous ma signature que j’avais passé sept années consécutives dans un couvent. Ce que j’ai dit et répète maintenant est que j’ai visité Shigatsé, le territoire de Tdashoo-Hlum-po [Tashi-lhunpo] et ses environs, que j’ai été plus loin à l’intérieur et dans des lieux du Tibet tels qu’ils n’ont jamais été visités par des Européens. »[2]
Le Tibet, le Népal ou le Sikkim, lui offrent l’opportunité d’étudier sérieusement les Sciences Occultes dont celle du légendaire « Meipo. Elle visite donc pendant ce séjour bien des lieux où elle peut s’initier à ce qui sera la Source fondamentale de ses écrits ultérieurs. Quelque cinquante ans avant Alexandra David Neel, Mme Blavatsky présente ainsi cet univers tibétain  :
« L’étude théorique de la Magie est une chose; la possibilité de la pratiquer en est une autre. A Brass-ss-Pungs, le collège mongol, plus de trois cent magiciens (sorciers, comme les appellent les missionnaires français) enseignent à plus du double d’élèves entre seize et vingt ans; ceux-ci doivent attendre plusieurs années avant de passer l’initiation finale. Pas un pour cent n’atteint le but final; et sur les milliers de lamas qui occupent une ville de maisonnettes autour du monastère, deux pour cent tout au plus, deviennent des faiseurs de merveilles. On peut apprendre par coeur chaque ligne des 108 volumes du Kandjur, et néanmoins faire un piètre magicien pratique ». « Le kandjur est le Grand Canon bouddhiste qui comprend 1.083 ouvrages en plusieurs centaines de volumes, dont beaucoup traitent de la Magie »[3].
A propos du cadre de sa formation, elle-même précise :
«  Je n’ai jamais non plus reçu d’instruction « sous le toit » des moines.… J’aurais pu vivre dans une Lamaserie masculine, comme le font des milliers de laïcs, hommes et femmes ; et j’aurais pu avoir reçu là mon instruction. N’importe qui peut aller à Darjeeling et recevoir à quelques milles de là, des enseignements des moines Tibétains et cela « sous leur toit » . Mais je n’ai jamais rien prétendu de tel, et cela pour la simple raison qu’aucun des Mahatmas dont les noms sont connus en Occident  ne sont des moines… »
Madame Blavatsky, affirma donc, au regard de ces longues études himalayennes, faire état dans ses écrits, d’une Tradition située en amont de tous ces courants spirituels et maintenue intacte au Tibet par une École particulière d’Arhats, refuge où cette Sagesse, « la Gupta Vidya », parvint après avoir été générée aux temps prévédiques dans l’antique Aryavarta. C’est en cette Source que l’auteur de « La Doctrine Secrète » tentait de rechercher l’unité de la Tradition Ésotérique première, une prisca sapientia identifiable au cœur de toutes les Religions.
Des appréciations émanant de personnalités reconnues dans le domaine de l’Ésotérisme et de la Science nous sont parvenues au sujet de l’œuvre d’H.P. Blavatsky :
  • Le Mahatma Gandhi : « La Théosophie… c’est l’Hindouisme dans ce qu’il a de meilleur ».
  • Le Dr. W. Y. Evans-Wentz, traducteur du Bardo Thödol (le « Livre des Morts » tibétain) : « En regard de la signification ésotérique des quarante-neuf jours du Bardo, comparer : « La Doctrine Secrète », de H.P. Blavatsky, Londres, 1888, p. 238, 411, 617, 627-28. Le Lama Kasi Dawa Samdup considérait, en dépit des critiques dirigées contre ses ouvrages, que H. P. Blavatsky devait incontestablement avoir reçu un enseignement lamaïque élevé, ainsi qu’elle le prétendait ».
  • D. T. Suzuki (dont les œuvres font autorité sur le Bouddhisme Zen) : « La Voix du Silence »[4] est la véritable Doctrine Mahayana. Il ne fait aucun doute que Mme Blavatsky a été initiée, d’une manière ou d’une autre, à l’aspect le plus profond des enseignements du Mahâyâna et qu’elle a ensuite révélé ce qu’elle a jugé sage de donner au monde occidental sous le nom de Théosophie… Il est certain que le mouvement théosophique a fait connaître au grand public les Doctrines essentielles du Bouddhisme Mâhayâna et l’intérêt qui se développe maintenant pour celui-ci en Occident a certainement été soutenu par la connaissance de la Théosophie… »[5]
  • Le IXe Panchèn Lama lui-même (Lobsang Tub-Ten Cho-gyi Nyima — seconde autorité religieuse du Tibet après le Dalaï Lama, dans son exil chinois de 1927) se prononçait de manière identique sur le texte de « La Voix du Silence », réédité cette année-là, en Chine. Cette édition recevra de lui quelques mots de dédicace hautement significatifs du crédit qu’il portait à l’œuvre, après qu’il eût insisté pour disposer de la version originale du texte d’H.P. Blavatsky auprès de deux Théosophes qui lui rendaient visite (les amendements apportés par les Éditions Adyar dans les rééditions plus récentes n’ayant pas son agrément)[6]. Madame Blavatsky affirmait avoir reçu ses Enseignements occultes d’Adeptes, notamment de son Maître, le Mahatma Morya, résidant souvent à Shigatsé au Tibet et du Mahatma Kout Houmi, un Adepte cachemirien de naissance et résidant par intermittence au Tibet près du célèbre monastère de Tashi-Lhunpo. Or, ce dernier est le siège de l’Institution du Panchèn Lama, seconde autorité religieuse du Tibet mais considérée comme « première » pour la Tradition réformée.
 

En conséquence, les liens des Instructeurs de Mme Blavatsky avec cette citadelle du Bouddhisme Mahayana sont évidents et prouvent l’accès de H.P.B. à une Tradition Ésotérique totalement marginale, — en amont —  tant par rapport au Lamaïsme qu’au Brahmanisme.

 

[1] Dans une lettre datée du 2 octobre 1881, H.P.B. écrit à Miss Billings « Maintenant, Morya vit généralement avec Kout Houmi dont la maison est située vers le montagnes de Kara Korum en dessous du Ladakh qui se trouve dans le Petit Tibet et qui appartient maintenant au Cachemire. C’est une vaste batisse de bois, construite comme une pagode chinoise…. ». Cette lettre laisse entendre, qu’auparavant, avant 1881, dans les années 1861-1867, le Maître résidait ailleurs. Cette résidence de 1881 au Ladakh ne semble pas fixe, car d’une part des deux Maîtres voyagent et, d’autres part, ils paraissent faire de fréquents et longs séjours à Lhassa ou à Shigatsé (Tibet) ainsi que les « Lettres des Mahatmas » le laissent paraître. [2] (Loc. cit. in P. M., p. 136). Ces propos sont extraits de réponses d’H. P. B. le 3 Août 1883, à un pamphlet de Mr. Arthur Lillie ( auteur de Bouddha and Early Bouddhisme) , paru dans la revue spiritualiste Light., Londres,, vol. IV, n° 188, 9 Août 1884, pp. 323-324.) [3] Note d’H.P.B.dans « Isis dévoilée », t. IV, p. 296). [4] Œuvre de H.P. Blavatsky – Ed. Adyar (En fait, présentation de quelques vers extraits d’un ouvrage secret auquel elle accéda). [5] Eastern Buddhist, (Old series) V, p. 376. [6] (Fuller Jean Overton, Blavatsky and her Teachers, East-West Publications, London & The Hague, 1988, p. 231 et suiv.Les deux théosophes qui furent ainsi chaleureusement accueillis par le Panchèn Lama étaient Mrs Leighton Cleather et Basile Crump).