Le Sexe du corps physique et l’Adeptat

  On parle toujours des Adeptes au masculin. Cette certitude s’est fortement consolidée au cours des siècles parce que l’on a toujours eu sur cette question le regard d’une humanité encore en lutte avec ses racines animales et non celui d’un « humain accompli », celui qui a maîtrisé et dépassé les passions physiques et émotionnelles grâce à un Mental spirituellement développé[1] En fait, s’agissant d’une incarnation dans un corps d’homme ou de femme, l’Adepte prend le corps physique le plus approprié à sa Mission :
  • Si celle-ci est publique, « il » prendra un corps physique correspondant aux critères déterminant la crédibilité (qu’il devra nécessairement conquérir auprès de ses contemporains afin d’effectuer sa Mission) prévalant dans une Civilisation donnée.

    Lorsqu’Ils durent se manifester au monde, un monde dominé par des êtres de sexe masculin, Ils prirent la plupart du temps un corps physique masculin, sinon leur Message — déjà difficilement accepté —  n’aurait même pas été écouté et « Elle » aurait été mise en pièces… un peu plus tôt… Considérons le sort que le monde réserva aux Disciples telles qu’ Hypatie d’Alexandrie ou Héléna P. Blavatsky pour lesquelles il était, d’un point de vue occulte, « nécessaire » qu’elles prissent un corps de femme.

    Il est des Adeptes que les Théosophes du XIXe siècle (et ceux d’aujourd’hui encore) croyaient, en toute sincérité et parce qu’ils ne Les avaient pas vus, être de sexe masculin car le contraire eût étonné, voire choqué les mentalités, alors qu’il n’en fut rien ; David Anrias, dans « Through the eyes of the Masters » publie des portraits d’Adeptes qu’il a dessinés, et pour certains, de manière tout à fait archétypale…
  • Si cette Mission est complètement occulte, l’Adepte vit dans un retrait total, souvent au milieu de ses Pairs (parfois seul ou au contact d’êtres humains sans que ceux-ci sachent Qui Il est ; voir Franz Bardon) et le corps physique adopté en une vie donnée dépend du type d’Énergie (à dominante électrique ou à dominante magnétique) qu’Il ou qu’Elle devra canaliser ou avec laquelle Il ou Elle devra « travailler » pour le Bien de l’Humanité.

Entre Adeptes, le fait qu’un corps physique soit de polarité électrique ou magnétique — masculine ou féminine — n’a aucune importance ; la relation de séduction ne prévaut pas entre ces Êtres ; la sexualité n’est plus de leur fait.

L’Orient[2] — paradoxalement, car une déconsidération des femmes y prévaut généralement aussi — nous offre des figures adeptiques féminines. Une, parmi Elles, est connue car Elle eut une vie publique et reçut la « reconnaissance » de ce qu’Elle était de tous (Orientaux et Occidentaux). Ce fut Mâ Ananda Moyî[3], qui vécut au XXe siècle et qui quitta ce monde en 1982.

ma_ananda_moyi Mâ Ananda Moyî

D’autres sont beaucoup moins connues car les textes traduits et présentés aux Occidentaux tendent à effacer leur présence de l’Adeptat. Lorsqu’on parle d’Elles, on les présente comme des « partenaires yoguiques », de simple instrument à caractère sexuel devant seulement contribuer au Cheminement de celui qui devient un Adepte. Il n’en fut rien et tel ne fut pas d’ailleurs le fondement de ce Cheminement. Ainsi donc, Dakmema, l’épouse du Grand Adepte tibétain Marpa, fut également une Adepte.

yeshe_tsogyal Yéshé Tsogyal

On s’attarde très peu sur le fait que le Grand Padmasambhava — le Boddhisattva qui amena au VIIIe siècle de notre ère le Bouddhisme au Tibet — donna son Enseignement Occulte à Yéshé Tsogyal[4] qui atteignit l’Éveil Complet. Rappelons aussi que Naropa, l’Adepte qui enseigna Marpa, reçut son Enseignement occulte d’une part de Tilopa mais d’une Yoguini, qui fut donc aussi son Maître. Plus près de nous, nous avons de Grandes Initiatrices en Dzog-Chen, Jetsunna Tshewang Grolma et Péma Dundul ;cette dernière fut le Maître du fameux Chandchub Dorjé, autre Maître Dzog-Chen qui vécut 135 ans (il naquit en 1826 et mourut en 1961). Retournant dans l’Occident méditerranéen, nous n’oublierons pas de rappeler que dans un monde, non pas simplement masculin mais littéralement misogyne tel que fut celui de la Grèce Antique, le Grand Socrate eut pour Maître la belle Diotimé qui lui enseigna ce principe philosophique qu’il pratiqua avec excellence : la maïeutique ou l’art de faire « accoucher » un être — par un dialogue savamment mené — de la Vérité qu’il porte en lui.

Adepte-homme ? Adepte-femme ? : ceci n’est — comme l’est toute la problématique de l’Éveil ou Illumination — qu’une question de point de vue.


[1] Il s’agit du haut Mental et non du mental habituel, dévoué, la plupart du temps, à justifier les appétits et désirs des véhicules inférieurs.

[2] Nous devons nous méfier de l’altération des textes anciens réalisée au cours du temps par des hommes pour effacer l’Adeptat ou même le Discipulat au féminin ; on pensait que si les femmes choisissaient, comme les hommes pouvaient le faire, la Voie Spirituelle, une baisse des mariages et donc des naissances serait à craindre pour des contrées où « des bras au travail » (des enfants à naître) étaient une nécessité de survie. Il en fut ainsi de nombreux textes bouddhiques (où l’on fait notamment dire au Bouddha Gautama que si la diffusion du Dharma est confiée à des nonnes, celui-ci ne durerait pas plus de cinq cents ans…) ; il en fut ainsi du poème de Nagarjuna , (Ier-IIe siècle ap. J.-C.). Il faut se souvenir aussi de ce que le Bouddhisme, fusionnant avec le Taoïsme (ce qui donna la Tchan chinoise et le Zen japonais) a, dès son émergence, suivi la Loi Universelle de l’Egalité entre les deux sexes, les deux polarités de l’Univers. Le « Therigatha » — texte bouddhique du VIe av.J.-C. -— , recueil de poèmes composés par des nonnes bouddhistes quasi contemporaines du Bouddha Gautama, et traitant de l’Éveil, est révélateur de cette non discrimination initiale. Cette ouverture et acceptation de fait des femmes dans les Confréries Ésotériques orientales se retrouvent aussi chez les Soufis (de la Perse au Maroc).

[3] Ma Ananda Moyi est née en 1893. Pour ses disciples et ceux qui l’approchèrent, elle vivait dans un état supérieur de Samadhi. Un tel cas de libération est rarissime, même aux Indes. En toute humilité « Ma » disait : « Ma conscience ne s’est jamais identifiée avec cette enveloppe charnelle temporaire. Avant d’être sur terre j’étais la même ». Illettrée, sa Sagesse étonna néanmoins les nombreux intellectuels qui, attirés par sa renommée, vinrent l’interroger ou même lui tendre des pièges. Elle consola les malheureux qui venaient a elle et effectua des guérisons par sa seule présence. Ma Ananda Moyi, « ce corps » (elle parlait d’elle ainsi) s’est éteinte le 27 août 1982.

[4] Dans le Tibet du VIIIe siècle, le Grand Maître indien Padmasambhava trouva en Yéshé Tsogyal, jeune épouse du roi, une disciple d’une foi et d’une sagesse extraordinaires. Grâce à une série d’épreuves inimaginables, celle-ci va atteindre la complète réalisation spirituelle.Lire « La vie de Yéshé Tsogyal, souveraine du Tibet » de Gyalwa Tchangtchoub et Namkhai Nyingpo- Éd. Padmakara. Plein de fraîcheur et de poésie, ce texte recèle un trésor d’enseignements dont la profondeur reste encore aujourd’hui intacte.