La Théosophie au cours des siècles

 

La transmission de la Théosophie, cet Enseignement sacré menant à la Sagesse Divine (voir « Qu’est-ce que la Théosophie ? ») à divers peuples, suivit, au cours des millénaires, deux voies divergentes :

1. — En Orient, originairement divulguée dans le nord de l’Inde, elle y survécut pendant des millénaires. Ce fut vers les Écoles secrètes Védiques — qui la détenaient originellement — que cette Connaissance, telle qu’elle était diffusée dans le monde méditerranéen, s’achemina dès la fin du IIe siècle de notre ère ; des sages, sauvèrent ainsi des manuscrits précieux que les remous de l’Histoire occidentale s’apprêtaient à détruire. 

Songsten Gampo
Le premier Roi Bouddhiste, Song Tsen Gam-po

Elle se concentra, à partir du VIIe siècle, au Tibet. Ce fut le premier Roi Bouddhiste, Song Tsen Gam-po, qui fit venir de l’Inde, à cette époque, des manuscrits inestimables et sauva donc ceux-ci de la destruction devant frapper par la suite, en Inde même, de nombreuses traces écrites de l’Enseignement. Naropa, l’Instructeur Indien, légua, au XIIe siècle, d’autres manuscrits à Marpa le Traducteur qui les ramena au Tibet. Lorsqu’au XVe siècle, le Grand Tsong Kaparé forma le Bouddhisme Tibétain, cette Doctrine — dans toutes ses disciplines : Cosmogénèse, Anthropogenèse, Médecine, Astronomie, Astrologie, Théurgie, etc. — était déjà entièrement sauvée de l’obscurantisme qui était tombé sur le monde. Le Tibet allait préserver ainsi, dans le silence de ses Monastères inaccessibles, la Mémoire humaine. » (Voir Authenticité des Sources de la « Doctrine Secrète »).

2. — En Occident. Par le cours de l’Histoire, cette Connaissance Globale Antique devint éparse et s’occulta de plus en plus car son fondement le plus efficace, la Théurgie, constituait un instrument de destruction aux mains d’hommes à l’éthique peu sûre, qui avaient accès d’une façon ou d’une autre à ce Savoir particulier, — ce pouvait être la caste des prêtres elle-même.

Ainsi, dès le XIVe siècle avant J.-C., l’accès à l’Enseignement de la Doctrine secrète dans les Temples d’Égypte devint de plus en plus difficile. Il existait, certes, et des Initiés célèbres, postérieurs à cette charnière du temps, reçurent leur formation, mais la quête de l’Initiation était devenue plus ardue et, au Ve siècle avant J.-C., même en Grèce, les Grands Mystères, Écoles de Sagesse secrètes, étaient déjà tombés, en réalité, en désuétude. Il en était de même des Écoles de Sagesse chaldéennes qui continuaient, via de nombreuses Sectes, à diffuser l’Enseignement, mais celui-ci était de plus en plus secret[1].

C’était donc cette Doctrine secrète que Pythagore de Samos divulguait à Crotone au VIe siècle avant J.-C. et dont Platon, qui avait beaucoup appris en Égypte[2], révélera un siècle et demi plus tard les aspects essentiellement philosophiques.

Ceux-ci recelaient notamment le concept de la Triple Nature Divine dont se sont emparés les Pères de l’Église, près de huit siècles plus tard, afin d’asseoir le Dogme de la Sainte Trinité. »

À Alexandrie d’ailleurs, un siècle avant J.-C., les Juifs divulguèrent un traité de Philosophie contenant les préceptes de l’École Platonicienne. Cet ouvrage devint pourtant, pour les Pères, « le Livre de Sagesse de Salomon » dont aucun original en hébreu ne fut jamais trouvé.

Toutefois, à la fin du IIe siècle de notre ère, la Doctrine secrète commençait à se restructurer en Occident. Elle était diffusée à Athènes et à Alexandrie où, Ammonios Saccas abordait dans ses cours, sous le nom de « Théosophie Éclectique », aussi bien la Cosmogénèse (Étude de l’Essence Divine infinie de l’Univers, Se manifestant par des Mondes: Mathématiques, Astronomie, etc.), l’Anthropogenèse (Étude l’homme en tant qu’aspect de l’Âme Universelle) et la Théurgie (Œuvre Divine permettant à l’homme de dépasser sa condition et atteindre le règne divin). Ce dernier ou troisième aspect de l’Enseignement, ainsi que l’appréhension exhaustive des deux précédents, était confidentiel. 

Cependant, la Théurgie, en raison de la confusion qui en était faite avec la sorcellerie, fut rejetée, dans un premier temps, par les disciples – mêmes d’Ammonios (Plotin, et le successeur de ce dernier, Porphyre); puis ceux-ci l’adoptèrent — mais jamais officiellement — à la suite de leur propre Initiation et du brillant exposé de Jamblique dans son « De Mysteriis » sur cette Science Divine.

Une diffusion plus ouverte de la Doctrine, fondée sur les Enseignements « exotériques » de Platon se fit au IIIe siècle et donna naissance à l’École « Néoplatonicienne ». Les textes et discours officiels de ces auteurs se référaient à l’aspect purement philosophique car les pratiques devant mener à l’extase — dont la « Catharsis » (purification) par la Théurgie — n’étaient pas divulguées. 

Un siècle après, à la fin du IVe siècle de notre ère, les Pères se résolurent à détruire le Platonisme et, dans ce contexte général d’ignorance violente, « la théorie de la persécution fut établie par Théodose dont les saints de l’Église ont loué la justice et la pitié[3].

ALex Serapeum
Ruines du Serapeum à Alexandriespan style= »color:#666666″>
Ptolémée Ier Soter décide vers 290 av. J.-C de la création à Alexandrie d’une bibliothèque universelle. Celle-ci, partagée en deux édifices, la « bibliothèque-mère », qui se trouvait à l’intérieur du Musëion ou « Musée », et la « bibliothèque-fille » au Serapeum, le temple du dieu Serapis. Elles n’étaient pas ouvertes au public mais réservées aux savants et contenaient quelques 700 000 volumes avant leur destruction par le feu en 391 de notre ère à l’instigation du patriarche Théophile. Ce patriarche, déclarant la guerre aux païens, fit détruire en 389 le Serapeum de Canope (l’actuelle Aboukir) et, deux ans plus tard, il s’en prend au Serapeum d’Alexandrie et aux deux bibliothèques.
C’est le premier autodafé !
Après Alexandrie suivront Pergame, Antioche, Rome, Constantinople…

C’était donc cette Doctrine qu’enseignait, en partie, publiquement, Hypatie dont le meurtre mit fin à la protection dont bénéficiaient les Adeptes de l’École d’Alexandrie, d’essence Néoplatonicienne en raison de l’heureuse influence qu’avait exercé la jeune femme sur Orestes, Préfet d’Égypte et résidant dans cette ville. Déjà, en 391[4], le Serapeum, « fille » de la Bibliothèque d’Alexandrie, qui contenait de précieux témoignages de la Connaissance, avait été mis en pièces et les parchemins jetés au feu[5]. Une horde de fanatiques avait tout saccagé, pendant que Théophile, son Évêque, « excitait l’assistance »[6] […] La mort atroce d’Hypatie, émissaire de la sagesse Antique à Alexandrie en 415 de notre ère reste donc le symbole du tournant décisif qui s’opéra au Ve siècle de notre ère quant à l’évolution ultérieure des peuples du Moyen-Orient et d’Occident.

Cette destruction, « dont les chefs spirituels de l’Église dirigeaient ou plutôt excitaient la furie »[7], substitua au « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux », la devise qui allait gouverner les esprits jusqu’aux premiers pas de la Science Moderne: « Crois, sans chercher à savoir ». Étaient ainsi évitées des investigations très dérangeantes sur l’origine non seulement de certains dogmes du Christianisme mais aussi des Sacrements et du Cérémonial Théurgique de ce dernier.

Theophilus
Theophilus, Patriarche d’Alexandrie,
debout sur les ruines du Serapeum
(Fragment d’une chronique alexandrine du Ves.)

Ce détournement fut le fait volontaire d’hommes, avides de pouvoir, manipulant le plus grand nombre. Avec le temps, l’esprit d’inquisition et de soumission aux dogmes chrétiens instauré par la politique religieuse de Théodose 1er généra en Occident, au sein de l’Église « Catholique et Romaine », la torture et la mise à mort de tout contradicteur ainsi qu’un système pernicieux d’asservissement de la pensée collective en général et des dirigeants politiques en particulier.

Destruction longue et douloureuse qui fit périr sur des bûchers, errer sur les routes d’Europe ou fuir dans le monde musulman ceux qui s’adonnaient à la résurrection de cette Auguste Science! Et ce furent des philosophes arabes des Écoles de Cordoue et de Bagdad, qui réussirent à en sauver de précieux fragments… En réaction, certains hommes se réunirent, ils formèrent ainsi des groupes liés par serment de silence en raison de la terreur prévalante. Kabbalistes juifs et chrétiens, Soufis, Alchimistes, Mages, tous reformèrent la grande famille de l’Hermétisme, nantis de documents rescapés du ravage, généralement tronqués et dont le symbolisme sibyllin portait à interprétation diverse.

Les agissements de certains, commencés au IVe siècle de notre ère, puis poursuivis bien plus tard, portèrent donc préjudice au Christianisme, d’une part par la divulgation d’une doctrine dévitalisée de ses Sources Intelligentes et, d’autre part, par la cruauté exercée pendant des siècles. Mais, malgré l’horreur ici évoquée, le Message du Christ n’a pu être souillé: bien au contraire, il fonda la Quête spirituelle sincère de milliers d’hommes et de femmes et fit de certains des êtres d’exception, accédant même à l’Illumination.

La fusion de la Sagesse Antique avec les Fondements Christiques aurait pu être un instrument d’éducation accélérée des masses dont nombreux, selon les progrès individuels réalisés, auraient eu ainsi la possibilité d’accéder à l’Initiation d’une Connaissance plus haute et plus opérative.

La Théosophie, Science menant l’être humain à la Sagesse Divine et contenue dans sa Doctrine secrète n’est pas morte. Longtemps gardée sous le boisseau, elle fut portée pour la première fois à la connaissance du public à la fin du XIXe siècle par les Maîtres de Sagesse via Helena Petrovna Blavatsky.

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[1] Toutefois le Temple d’Héliopolis continua d’officier secrètement jusqu’à ce que Théodose 1er ordonnât la fermeture de tous les sanctuaires de la Vallée du Nil. [2] « Platon parcourut l’Égypte afin de recevoir des prêtres étrangers la Science des Nombres et des choses célestes » : Cicéron, « De Finibus », V, 25.
[3] Théodose 1er et ses édits, cités dans la note 6. Cf. E. Gibbon. Ibidem [4] Destruction du Serapeum : « A. Marcellin donne comme date 389 mais il parle du serapeum de Canope et Prosper 391pour celui d’Alexandrie. [5] Le Serapeum ou Temple de Sérapis se trouvait dans le quartier égyptien de Rhacotis. Il était dépositaire de milliers de rouleaux qui étaient des doubles de ceux que contenait le Musée. [6] Cf. Gibbon Edward, « Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire Romain » – Editions Laffont – Collection Bouquins. [7] Cf. Ibidem