Résurgence de la Théosophie

à la fin du XIXe siècle

 

Reprenant le Flambeau laissé officiellement pour éteint au Ve siècle, Helena Petrovna Blavatsky divulgua les deux premiers aspects de la Théosophie Éclectique tendant à réconcilier toutes les religions dans un système fondé sur des Vérités Éternelles : Cosmogénèse et Anthropogenèse, soit la formation de l’Univers et des mondes ainsi que la genèse et la structure occulte des cinq règnes de la Nature, selon les diverses phases de leur évolution respective: minéral, végétal, animal, humain et « divin » car l’accomplissement final, pour ce cycle planétaire, d’un être humain a également été décrit, techniquement, méthodiquement, scientifiquement. 

Ces mots peuvent sembler abstrus et d’aucuns ne se sentiront pas concernés par cette énumération. Pourtant, là réside le plus beau cadeau que l’Humanité ait jamais reçu depuis fort longtemps… 

Ouvrant enfin grandes les portes des Temples de Traditions diverses, Helena P. Blavatsky décrypta, en un langage adapté au monde moderne, les Symbolismes multiples sous lesquels s’était exprimée la Connaissance Unique ; révélant le fil d’or qui les unissait tous, elle offrit aux hommes les Clés de la Compréhension de l’Univers afin que ceux-ci pussent appréhender le monde dans lequel ils vivaient, savoir ce qu’ils étaient et connaître le but qu’ils devaient atteindre individuellement (par la Voie accélérée dite « Initiatique ») ou collectivement (Voie lente de l’évolution globale décrite par phase)

L’Humanité venait de renouer avec ses Origines et avait un Devenir. L’Éternité de la Vie à conquérir par le développement de la Conscience n’était plus affaire de foi ou de dogme. Elle est le fondement même de l’Univers car telle est la Loi. 

Si Helena P. Blavatsky prononça le réquisitoire le plus solidement argumenté contre l’Église — et contre toute religion destructrice — ce ne fut pas pour ternir l’Image du Christ mais pour sauver celle-ci de l’utilisation malsaine qui en fut faite. « Les Prêtres vous ont affirmé l’existence de l’Enfer éternel auquel vous destinait une seule pauvre vie d’ignorance et donc d’erreurs; ils ont garanti leur service comme seul intermédiaire possible entre vous et votre salut, s’attachant à faire disparaître jusqu’aux traces, la Science des Mages et des anciens Hiérophantes qui avait le pouvoir de vous libérer de vos maux. » Voilà ce qu’en substance Helena P. Blavatsky écrivit.

Les Religions à travers les âges © Menly Hall
Les Religions du Monde
Illustration de Augustus Knapp
© The Philosophical Rechearch Society

Ce fut cette Vérité qu’elle redéfinit sous l’ancien nom de « Théosophie » et dans ce même contexte nous détenons d’elle la synthèse la plus brillante qui fût jamais faite des Religions, des Mythes et de toutes les Écoles Philosophiques passées. L’universalité de la véritable Connaissance venait d’être démontrée.

À l’instar des Professeurs de la Sagesse Antique, elle s’attacha à recourir sans cesse au stade atteint, dans son siècle, par la Science et l’expression de la spiritualité générale afin de restaurer à nouveau la Philosophie et l’ascèse conduisant aux Mystères. 

Cependant, en raison de la remise en cause fondamentale des anciennes structures que générait son Message (les religions et leurs églises respectives, les mouvements ésotériques occidentaux en mal d’un Judéo-Christianisme qu’ils tentaient d’ennoblir, les doctrines de l’Inde pétries dans une orthodoxie conservatrice et déviée, le spiritisme s’accrochant à des croyances malsaines, la Science engoncée dans le matérialisme, le positivisme et le mécanisme, enfin le sexisme s’exerçant à l’encontre d’une femme œuvrant dans un domaine que les hommes se sont réservé depuis toujours…), Helena Petrovna Blavatsky fut vilipendée. Mais ce rejet même plaide pour la grandeur de son travail car elle subit ainsi le sort que les hommes ont toujours réservé à ce qu’ils ne pouvaient immédiatement comprendre et qui dérangeait leur confort social, mental ou religieux. 

En conséquence, s’attarder ici sur le discrédit dont elle fut victime serait jeter sur la splendeur de l’Œuvre les vagissements de l’ignorance et l’aveuglement des passions. 

« Mes livres, disait-elle d’ailleurs, ne seront compris qu’à la fin du prochain siècle. » Nous y sommes. Elle aurait pu ajouter: « Mon œuvre et ma vie elle-même, tellement liée à Ceux Qui m’envoyèrent ne seront compris que dans un siècle ». Il est vrai que son Enseignement fait bonne récolte de nos jours et que l’insolite qui a pavé sa vie[1] est mieux à même d’être expliqué. 

Quant à aborder à présent, la problématique générée par Ceux Qui, à travers elle, délivrèrent cet Enseignement, — Ceux que l’on appela les Maîtres « de Mme Blavatsky »… —, « l’art d’agréer » vaut mieux que celui de « convaincre ». C’est pourquoi il appartient à chacun de forger ses propres convictions au regard de ce qu’il aura saisi du Message.

Mahatmas

En vérité, pour appréhender ces Grands Êtres, les critères de jugement de notre mental actuel ne suffisent pas car Ils ne sont perçus qu’à travers un certain battement du cœur et la transparence de l’esprit. Nous Leur devons, néanmoins, la charité d’avoir placé sous les yeux des hommes la Réalité Sublime de l’Adeptat, s’exposant ainsi Eux-mêmes à l’incompréhension du plus grand nombre pour le bénéfice du plus petit.

Cependant, des Écoles ont fleuri en faisant appel, à juste titre, aux « Maîtres », Ceux-là -mêmes qu’Helena. P. Blavatsky révéla au monde. Et en ces jours de mutations profondes, il semble que la notion de « Fraternité Transhimalayenne » devienne, pour un grand nombre, l’Espoir de renouer avec le Courant de Vie. 

A défaut de cette perception subtile, il est regrettable que les Maîtres et Leur Disciple aient été bannis par ceux-là mêmes à qui ils avaient enseigné. Si « nul n’est prophète en son pays », Helena P. Blavatsky ne le fut point dans la Société Théosophique.

Mais il fut écrit: « Périsse la Société Théosophique plutôt que de se montrer ingrate envers H.P.B. » Cette phrase, en raison de la qualité de son Auteur, a-t-elle eu le Pouvoir du Verbe ?[2] 

Toutefois, le Message d’Helena P. Blavatsky a pénétré une grande partie des mentalités. C’est une victoire, une victoire fabuleuse, lorsque l’on considère le sort affreux qui fut réservé à Cagliostro, pour ne citer que le dernier grand martyr de l’Inquisition…

Elle influença les philosophes, les artistes et les savants qui découvrent de plus en plus, — et l’expriment par des formules mathématiques — que la matière est « l’esprit densifié »… La notion « d’énergie » et de « vibration », quant à la définition d’une réalité donnée, nous vient de la Doctrine Secrète, œuvre maîtresse d’Helena P. Blavatsky. 

De plus, cette victoire est d’autant plus réelle que le messager semble oublié ou inconnu tant l’Enseignement s’est distillé dans le vocabulaire quasi-quotidien de ceux-là mêmes qui ne se targuent pas d’Occultisme. Ainsi entend-on de plus en plus fréquemment, même par les médias, dans le discours courant, les expressions suivantes, digérées, intériorisées, normalisées: « C’est mon karma ». «  Peut-être est-ce dans une vie passée que…  » « Une vision astrale », « mon corps astral », « une belle aura », etc. Et s’il arrive que certains, parmi le grand public, dénigrent « ce médium », voire « cet imposteur », ils n’ont pas moins intégré une série de notions psychologiques appartenant à la pensée blavatskienne. 

Par ailleurs, non seulement Helena P. Blavatsky désenclava, en Occident, les milieux poussiéreux de l’Ésotérisme mais elle fut la cause directe de l’essor extraordinaire de ce dernier. Dans les milieux des Ésotéristes, les plus sérieux ne peuvent pas manquer de se référer à son Œuvre; les plus négligents préfèrent annoncer les Vérités qu’elle a révélées, dans les termes mêmes de leur auteur, sans la citer ; certains même « créent » tout un système métaphysique, réplique exacte de son Enseignement, en déniant ouvertement leur source… 

Cela est, en réalité, sans importance. Existe-t-il un plagiat dans le monde des idées ? Celles-ci circulent… et bienheureux celui qui capte les plus sublimes. On se réchauffe du soleil sans même le voir, et on pense de plus en plus, sans le savoir, selon l’impulsion investigatrice donnée par le Message théosophique. Si les rayons éclairent, faut-il pour autant adorer le disque de lumière lorsque l’Esprit vivifiant est au delà de cette apparence? « La transcendance de la Doctrine salvatrice doit seule être considérée et peu importe ce qui advient de l’Émissaire ». Ce sont des propos qu’Helena P. Blavatsky aurait pu tenir. 

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Nous comprendrons donc que « la valeur de l’Enseignement Traditionnel que l’Humanité avait perdu pendant longtemps mais que les hauteurs du Tibet avaient préservé […] ». Il s‘est agi de susciter chez le lecteur de ces pages « hors de toutes querelles religieuses ou philosophiques, en toute vérité, une prise de conscience des possibilités qu’offrent les Enseignements divulgués actuellement — à l’instar du IIe siècle de notre ère — sous le nom de « Théosophie »

Appréhendant peut-être à présent la valeur universelle de ce qui est offert sous cette étiquette — séparatiste, par définition, et donc limitative — tout chercheur de bonne volonté s’empressera immédiatement de l’ôter car il aura compris que la Théosophie est la Science permettant d’accéder à la Sagesse Divine; il ne cantonnera plus celle-ci à une philosophie occulte, parmi tant d’autres, délivrée par une « dame russe » à la fin du XIXe siècle; bien au contraire, il saura qu’en réalité on ne peut s’affirmer Occultiste ou Ésotériste sans se dire « Théosophe ». 

Par la libération complète de la souffrance, cet Enseignement donne, en vérité, les prémisses fondamentales conduisant l’être humain « à la plus grande de toutes les victoires qui puissent échoir à un mortel »[3].

Et puissent Ceux Qui guident les destinées humaines vers cette Victoire accorder aux chercheurs sincères la Compréhension du Chemin et la Volonté d’y œuvrer afin de conquérir l’Espace et l’Éternelle Conscience »[4].

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[1] Voir « La Doctrine Secrète et Mme Blavatsky » de Constance Wachtmeister – Ed. Adyar et « Helena P. Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de N.R. Nafarre – Ed. Nafarre.
[2] Lettre du Mahatma Morya n° 32. Lettres des Maîtres de la Sagesse, 2e série, p.68. de l’Éd. de 1926. [3] « Milarepa ou la vie de Jetsün Kahbum ». Éd. Maisonneuve. [4] Extrait du Prologue d’Alexandre Moryason écrit pour « Helena Petrovna Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de Noël Richard-Nafarre – © Ed. Nafarre -1992

La Théosophie au cours des siècles

 

La transmission de la Théosophie, cet Enseignement sacré menant à la Sagesse Divine (voir « Qu’est-ce que la Théosophie ? ») à divers peuples, suivit, au cours des millénaires, deux voies divergentes :

1. — En Orient, originairement divulguée dans le nord de l’Inde, elle y survécut pendant des millénaires. Ce fut vers les Écoles secrètes Védiques — qui la détenaient originellement — que cette Connaissance, telle qu’elle était diffusée dans le monde méditerranéen, s’achemina dès la fin du IIe siècle de notre ère ; des sages, sauvèrent ainsi des manuscrits précieux que les remous de l’Histoire occidentale s’apprêtaient à détruire. 

Songsten Gampo
Le premier Roi Bouddhiste, Song Tsen Gam-po

Elle se concentra, à partir du VIIe siècle, au Tibet. Ce fut le premier Roi Bouddhiste, Song Tsen Gam-po, qui fit venir de l’Inde, à cette époque, des manuscrits inestimables et sauva donc ceux-ci de la destruction devant frapper par la suite, en Inde même, de nombreuses traces écrites de l’Enseignement. Naropa, l’Instructeur Indien, légua, au XIIe siècle, d’autres manuscrits à Marpa le Traducteur qui les ramena au Tibet. Lorsqu’au XVe siècle, le Grand Tsong Kaparé forma le Bouddhisme Tibétain, cette Doctrine — dans toutes ses disciplines : Cosmogénèse, Anthropogenèse, Médecine, Astronomie, Astrologie, Théurgie, etc. — était déjà entièrement sauvée de l’obscurantisme qui était tombé sur le monde. Le Tibet allait préserver ainsi, dans le silence de ses Monastères inaccessibles, la Mémoire humaine. » (Voir Authenticité des Sources de la « Doctrine Secrète »).

2. — En Occident. Par le cours de l’Histoire, cette Connaissance Globale Antique devint éparse et s’occulta de plus en plus car son fondement le plus efficace, la Théurgie, constituait un instrument de destruction aux mains d’hommes à l’éthique peu sûre, qui avaient accès d’une façon ou d’une autre à ce Savoir particulier, — ce pouvait être la caste des prêtres elle-même.

Ainsi, dès le XIVe siècle avant J.-C., l’accès à l’Enseignement de la Doctrine secrète dans les Temples d’Égypte devint de plus en plus difficile. Il existait, certes, et des Initiés célèbres, postérieurs à cette charnière du temps, reçurent leur formation, mais la quête de l’Initiation était devenue plus ardue et, au Ve siècle avant J.-C., même en Grèce, les Grands Mystères, Écoles de Sagesse secrètes, étaient déjà tombés, en réalité, en désuétude. Il en était de même des Écoles de Sagesse chaldéennes qui continuaient, via de nombreuses Sectes, à diffuser l’Enseignement, mais celui-ci était de plus en plus secret[1].

C’était donc cette Doctrine secrète que Pythagore de Samos divulguait à Crotone au VIe siècle avant J.-C. et dont Platon, qui avait beaucoup appris en Égypte[2], révélera un siècle et demi plus tard les aspects essentiellement philosophiques.

Ceux-ci recelaient notamment le concept de la Triple Nature Divine dont se sont emparés les Pères de l’Église, près de huit siècles plus tard, afin d’asseoir le Dogme de la Sainte Trinité. »

À Alexandrie d’ailleurs, un siècle avant J.-C., les Juifs divulguèrent un traité de Philosophie contenant les préceptes de l’École Platonicienne. Cet ouvrage devint pourtant, pour les Pères, « le Livre de Sagesse de Salomon » dont aucun original en hébreu ne fut jamais trouvé.

Toutefois, à la fin du IIe siècle de notre ère, la Doctrine secrète commençait à se restructurer en Occident. Elle était diffusée à Athènes et à Alexandrie où, Ammonios Saccas abordait dans ses cours, sous le nom de « Théosophie Éclectique », aussi bien la Cosmogénèse (Étude de l’Essence Divine infinie de l’Univers, Se manifestant par des Mondes: Mathématiques, Astronomie, etc.), l’Anthropogenèse (Étude l’homme en tant qu’aspect de l’Âme Universelle) et la Théurgie (Œuvre Divine permettant à l’homme de dépasser sa condition et atteindre le règne divin). Ce dernier ou troisième aspect de l’Enseignement, ainsi que l’appréhension exhaustive des deux précédents, était confidentiel. 

Cependant, la Théurgie, en raison de la confusion qui en était faite avec la sorcellerie, fut rejetée, dans un premier temps, par les disciples – mêmes d’Ammonios (Plotin, et le successeur de ce dernier, Porphyre); puis ceux-ci l’adoptèrent — mais jamais officiellement — à la suite de leur propre Initiation et du brillant exposé de Jamblique dans son « De Mysteriis » sur cette Science Divine.

Une diffusion plus ouverte de la Doctrine, fondée sur les Enseignements « exotériques » de Platon se fit au IIIe siècle et donna naissance à l’École « Néoplatonicienne ». Les textes et discours officiels de ces auteurs se référaient à l’aspect purement philosophique car les pratiques devant mener à l’extase — dont la « Catharsis » (purification) par la Théurgie — n’étaient pas divulguées. 

Un siècle après, à la fin du IVe siècle de notre ère, les Pères se résolurent à détruire le Platonisme et, dans ce contexte général d’ignorance violente, « la théorie de la persécution fut établie par Théodose dont les saints de l’Église ont loué la justice et la pitié[3].

ALex Serapeum
Ruines du Serapeum à Alexandriespan style= »color:#666666″>
Ptolémée Ier Soter décide vers 290 av. J.-C de la création à Alexandrie d’une bibliothèque universelle. Celle-ci, partagée en deux édifices, la « bibliothèque-mère », qui se trouvait à l’intérieur du Musëion ou « Musée », et la « bibliothèque-fille » au Serapeum, le temple du dieu Serapis. Elles n’étaient pas ouvertes au public mais réservées aux savants et contenaient quelques 700 000 volumes avant leur destruction par le feu en 391 de notre ère à l’instigation du patriarche Théophile. Ce patriarche, déclarant la guerre aux païens, fit détruire en 389 le Serapeum de Canope (l’actuelle Aboukir) et, deux ans plus tard, il s’en prend au Serapeum d’Alexandrie et aux deux bibliothèques.
C’est le premier autodafé !
Après Alexandrie suivront Pergame, Antioche, Rome, Constantinople…

C’était donc cette Doctrine qu’enseignait, en partie, publiquement, Hypatie dont le meurtre mit fin à la protection dont bénéficiaient les Adeptes de l’École d’Alexandrie, d’essence Néoplatonicienne en raison de l’heureuse influence qu’avait exercé la jeune femme sur Orestes, Préfet d’Égypte et résidant dans cette ville. Déjà, en 391[4], le Serapeum, « fille » de la Bibliothèque d’Alexandrie, qui contenait de précieux témoignages de la Connaissance, avait été mis en pièces et les parchemins jetés au feu[5]. Une horde de fanatiques avait tout saccagé, pendant que Théophile, son Évêque, « excitait l’assistance »[6] […] La mort atroce d’Hypatie, émissaire de la sagesse Antique à Alexandrie en 415 de notre ère reste donc le symbole du tournant décisif qui s’opéra au Ve siècle de notre ère quant à l’évolution ultérieure des peuples du Moyen-Orient et d’Occident.

Cette destruction, « dont les chefs spirituels de l’Église dirigeaient ou plutôt excitaient la furie »[7], substitua au « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux », la devise qui allait gouverner les esprits jusqu’aux premiers pas de la Science Moderne: « Crois, sans chercher à savoir ». Étaient ainsi évitées des investigations très dérangeantes sur l’origine non seulement de certains dogmes du Christianisme mais aussi des Sacrements et du Cérémonial Théurgique de ce dernier.

Theophilus
Theophilus, Patriarche d’Alexandrie,
debout sur les ruines du Serapeum
(Fragment d’une chronique alexandrine du Ves.)

Ce détournement fut le fait volontaire d’hommes, avides de pouvoir, manipulant le plus grand nombre. Avec le temps, l’esprit d’inquisition et de soumission aux dogmes chrétiens instauré par la politique religieuse de Théodose 1er généra en Occident, au sein de l’Église « Catholique et Romaine », la torture et la mise à mort de tout contradicteur ainsi qu’un système pernicieux d’asservissement de la pensée collective en général et des dirigeants politiques en particulier.

Destruction longue et douloureuse qui fit périr sur des bûchers, errer sur les routes d’Europe ou fuir dans le monde musulman ceux qui s’adonnaient à la résurrection de cette Auguste Science! Et ce furent des philosophes arabes des Écoles de Cordoue et de Bagdad, qui réussirent à en sauver de précieux fragments… En réaction, certains hommes se réunirent, ils formèrent ainsi des groupes liés par serment de silence en raison de la terreur prévalante. Kabbalistes juifs et chrétiens, Soufis, Alchimistes, Mages, tous reformèrent la grande famille de l’Hermétisme, nantis de documents rescapés du ravage, généralement tronqués et dont le symbolisme sibyllin portait à interprétation diverse.

Les agissements de certains, commencés au IVe siècle de notre ère, puis poursuivis bien plus tard, portèrent donc préjudice au Christianisme, d’une part par la divulgation d’une doctrine dévitalisée de ses Sources Intelligentes et, d’autre part, par la cruauté exercée pendant des siècles. Mais, malgré l’horreur ici évoquée, le Message du Christ n’a pu être souillé: bien au contraire, il fonda la Quête spirituelle sincère de milliers d’hommes et de femmes et fit de certains des êtres d’exception, accédant même à l’Illumination.

La fusion de la Sagesse Antique avec les Fondements Christiques aurait pu être un instrument d’éducation accélérée des masses dont nombreux, selon les progrès individuels réalisés, auraient eu ainsi la possibilité d’accéder à l’Initiation d’une Connaissance plus haute et plus opérative.

La Théosophie, Science menant l’être humain à la Sagesse Divine et contenue dans sa Doctrine secrète n’est pas morte. Longtemps gardée sous le boisseau, elle fut portée pour la première fois à la connaissance du public à la fin du XIXe siècle par les Maîtres de Sagesse via Helena Petrovna Blavatsky.

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[1] Toutefois le Temple d’Héliopolis continua d’officier secrètement jusqu’à ce que Théodose 1er ordonnât la fermeture de tous les sanctuaires de la Vallée du Nil. [2] « Platon parcourut l’Égypte afin de recevoir des prêtres étrangers la Science des Nombres et des choses célestes » : Cicéron, « De Finibus », V, 25.
[3] Théodose 1er et ses édits, cités dans la note 6. Cf. E. Gibbon. Ibidem [4] Destruction du Serapeum : « A. Marcellin donne comme date 389 mais il parle du serapeum de Canope et Prosper 391pour celui d’Alexandrie. [5] Le Serapeum ou Temple de Sérapis se trouvait dans le quartier égyptien de Rhacotis. Il était dépositaire de milliers de rouleaux qui étaient des doubles de ceux que contenait le Musée. [6] Cf. Gibbon Edward, « Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire Romain » – Editions Laffont – Collection Bouquins. [7] Cf. Ibidem

Le mot « Théosophie » :

ses origines néoplatoniciennes (IIIe siècle apr. J.-C.)

 

L’étymologie grecque (« theou » – « sophia » = la Sagesse de Dieu ou la Sagesse Divine) de ce mot révèle clairement la « tonalité » du sens qu’il a revêtu au cours des siècles. Tonalité seulement, car sa signification originelle, telle qu’on la trouve pour la première fois dans les écrits du néoplatonicien Porphyre (234-305) puis des néoplatoniciens de sa suite, va s’altérer au point de perdre la grandeur initiale et la vastitude des possibilités spirituelles que sa pratique offrait à l’être humain.

A – Sens initial du mot « théosophie »

Bien que le mot en lui-même ne fût pas encore utilisé par Pythagore et Platon, il est patent que leurs Philosophie et Principes de vie se fondaient sur cette même « Sagesse Divine » dont la dénomination par le terme « Théosophie » fut promue, des siècles après eux.

Ce fut Porphyre, a-t-on dit qui, le premier écrivit ce mot. Toutefois Porphyre était le disciple de Plotin (206-270) lequel fut disciple du célèbre Ammonios Saccas d’Alexandrie (175-242).

Avec Ammonios, on touche le cœur du Néoplatonisme, la résurgence, pourrait-on dire, de l’École du Maître (Platon), celle-ci ayant été nourrie de Pythagorisme. Ammonios Saccas professait à Alexandrie un système philosophique tendant à réunir et à comparer tous les systèmes philosophiques et religieux connus dans le monde afin d’en dégager les similitudes et de démontrer qu’une Seule Essence Divine était à l’origine de tout système de pensée métaphysique ou de croyances religieuses et que c’était vers cette Unité Suprême que devaient tendre toutes les investigations et les efforts des êtres humains — par des rites et des pratiques ascétiques précises, dénommées « Théurgie » — afin de laisser émerger la Sagesse Divine endormie en chacun d’eux et se fondre dans l’Unique Sagesse Universelle. Selon Diogène Laërce (IIIe siècle ap. J.-C.), ce système — avec lequel la Théosophie résurgente au XIXe siècle renouera — fut attribué à un Prêtre égyptien nommé Pot-Amon qui vécut sous les Ptolémées dans les derniers siècles avant J.-C.

On n’a aucun écrit d’Ammonios Saccas mais on peut penser qu’il dût employer le mot de « Théosophie » — ceci est une hypothèse — afin de définir cette Quête Spirituelle pour que Porphyre — à travers son Maître Plotin — l’utilisât. L’Helléniste du XIXesiècle, Alexandre Wilder, décrivit le Néoplatonisme d’Ammonios Saccas comme d’une « Système théosophique éclectique », mentionnant plusieurs fois le mot « théosophie » pour tout ce qui se référait à cette Doctrine.

A la suite de Porphyre, l’usage de ce mot devint de plus en plus fréquent. A la notion d’ « extase » et de « mysticisme », s’y attachant initialement, s’agrégèrent les significations d’ « inspiration divine » (Jamblique, 250-325), de « théurgie » (l’Empereur Julien, 331-363), de « arcanes de la religion grecque » (Proclus, 412-465). Pour les derniers Néoplatoniciens (Ve-VIe siècles), l’acception générale de « doctrine spirituelle » ou de « théurgie en elle-même » finit par prévaloir.

Toutefois, dans toutes ces significations trois idées implicites dominaient :

  • tout être humain peut accéder à cette Sagesse Divine par des efforts et une ascèse personnelle ;
  • la Divinité à capter en Qui fusionner est la Même et unique pour tous les êtres, quels que soient leurs origines raciales, religieuses et culturelles et quelles que soient, aussi, les noms particuliers qui L’ont dénommée au cours de l’espace et du temps ;
  • cette Divinité ou Essence Unique de l’Univers n’est ni Père ni Mère mais les Deux à la fois.

B – Sens christianisé du mot « théosophie »

Ce fut avec le Pseudo-Denys l’Aréopagite[1] (Ve-VIe siècles) que le sens initial, le sens néoplatonicien s’altéra.

Le Judéo-Christianisme apporta deux notions qui aliénèrent complètement la vision d’Ammonios et de ses successeurs :

  • tout être humain ne peut pas accéder à cette Sagesse Divine ; c’est Dieu qui octroie une parcelle de Sa Sagesse à un être de son choix, un « élu » ;
  • la Divinité ou Dieu, détenteur de cette Sagesse, est Unique ; c’est celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et, par conséquent, de Jésus-Christ ; seuls ceux qui partagent le culte de ce Dieu sont considérés comme ses enfants ; le reste de l’Humanité est exclue ;
  • ce Dieu est Père, et seulement Père, la notion de Mère — ou d’Aspect Féminin de l’Univers — disparaissant totalement[2].

Cette nouvelle acception du mot « théosophie » fut celle qu’adoptèrent les Mystiques chrétiens de l’Europe depuis le Moyen-Âge jusqu’à — pourrait-on dire — nos jours pour ceux qui veulent délibérément ignorer l’apport fondamental dans ce domaine d’H.P. Blavatsky (Antoine Faivre, par exemple, qui, dans son article alimentant la rubrique « Théosophie » dans l’Encyclopaedia Universalis, n’accorde de crédit qu’à cette signification judéo christianisée, écartant le sens initial néoplatonicien et dénigrant ouvertement l’œuvre d’H.P. Blavatsky).

C – Résurgence du sens néoplatoniciendu mot « théosophie » à la fin du XIXe siècle.

Ce fut par « La formation de la Société Théosophique » qu’H.P. Blavatsky donna ce sens. Bien qu’elle ne choisît pas elle-même ce mot, elle en accepta la proposition — faite par le Colonel H.S. Olcott — car la similitude entre le travail qu’elle était chargé de faire et celui d’Ammonios Saccas était évidente.

Et de fait, lorsque l’on considère son œuvre, on perçoit clairement que l’universalité des croyances, des religions et des philosophies ainsi que la quête de cette Essence Unique Divine, recherchée par tous les êtres de quelque continent et de quelque temps que ce soit, ont été magistralement démontrées.

Aussi est-ce à juste titre que l’on parler de la « Résurgence de la Théosophie » au XIXe siècle sous l’égide de H.P. Blavatsky.

Pour une approche plus exhaustive des origines et évolutions de sens du mot « théosophie », il est recommandé de se reporter, à l’excellent travail de Jean Louis Siémons « Theosophia — Aux sources néoplatoniciennes et chrétiennes — IIe-VIe siècles » (Ed. Cariscript).


[1] Aréopagite : membre de l’Aréopage [du grec Areios pagos]. Dans l’Antiquité, on nommait une colline d’Athènes Areios pagos — d’Areios, « Arès » et pagos, « colline » — parce que l’on avait installé là le tribunal qui devait juger les affaires criminelles. Ces actes d’une extrême violence étaient donc associés au nom d’Arès, dieu grec de la Guerre (le Mars des Romains), et à arê, « malheur ».
[2] Excepté pour les Kabbalistes

Théosophie : Science des Lois Universelles

menant à la Sagesse Divine — Contenu exhaustif

A – Circuit emprunté par cette Connaissance au cours du temps

Issue du Nord de l’Inde, des centaines de milliers d’années avant J.-C., puis transmise à l’Égypte, à la Chaldée, et, comparativement de façon plus récente, en Grèce, la Connaissance des Lois Universelles régissant l’Univers (le Macrocosme) et l’homme (le Microcosme) ainsi que la mise en œuvre de celles-ci (donc les pratiques liées à l’ascèse fondant l’évolution harmonieuse de l’être) était dispensée dans des Temples auxquels pouvaient accéder tout homme et toute femme instruits et dont l’éthique intègre était solidement établie.

Cette Doctrine était secrète et seules les élites en bénéficiaient car les masses, encore incultes car soumises, pour la plupart, à un statut social inférieur empêchant toute instruction, devaient être préservées de toute utilisation destructrice de ce Savoir. Aussi, se manifestait-elle pour le peuple sous la forme d’une « religion », celle-ci n’étant que l’expression allégorique des Lois Universelles. En réalité cet Enseignement était unique et commun à tous les peuples mais il empruntait, pour se concrétiser, un symbolisme adapté à la nature propre des ethnies contactées. C’est pourquoi, sous des apparences multiples, la même Vérité était diffusée. 

S’agissant de l’ensemble des Lois de l’Univers, la Doctrine secrète englobait donc, dans son champ d’appréhension, tous les Plans existant dans le Cosmos et, en conséquence, ce que nous nommons « matière » et « esprit » :

  • Elle expliquait « les Mathématiques sacrées » ou « Science des Nombres » — et son complément indispensable, l’Astronomie — qui permettait de comprendre l’ordonnancement des Énergies et des Mondes, appelés aussi « Dieux » et de ce symbolisme vint le mot « Théogonie » : la « Genèse des Dieux ». Explicitant le monde dense dans lequel nous vivons, elle enseignait les Mathématiques « terrestres », et considérant l’action des Forces Cosmiques sur les êtres et les choses, elle s’adonnait donc aussi à l’Astrologie.

  • Connaissant les propriétés cachées des trois grands règnes de la Nature et les forces du psychisme humain, elle offrait une Médecine efficace et l’anesthésie par hypnose; s’agissant d’accélérer l’évolution de la matière en opérant une mutation de l’électromagnétisme initial inhérent à celle-ci, elle permettait d’œuvrer tant sur les minéraux (transmutations métalliques), les végétaux, que sur le corps humain (absorption de certaines substances); elle divulguait ainsi les principes de l’Alchimie.
  • S’attachant au « bonheur » véritable de l’homme, elle offrait à celui-ci les moyens de maîtriser — par la mise en pratique de la Connaissance théorique — en premier lieu sa propre nature et ensuite son environnement, en divulguant les deux Phases de la Magie ou Théurgie :

  1. La Purification ou Art de soumettre l’Électromagnétisme individuel à l’action de l’Électromagnétisme Universel afin de dénouer l’entrelacement névrotique des énergies structurant le psychisme et l’intellect et de permettre ainsi l’émergence de la Divinité en l’homme. Sont incluses entre autres dans ces techniques la concentration, la méditation ainsi que l’action du souffle, de la visualisation et de certains Sons, sur certains centres subtils de l’être humain.

  2. L’action sur l’environnement (guérison, matérialisation, etc.), par la mise en œuvre — via le Pouvoir du Verbe ou d’êtres subtils planétaires et de hiérarchies élémentales — de l’Électromagnétisme Universel agissant dans ses spécificités.

Fondée sur des Rites, une Gestuelle précise et l’usage de figures géométriques, la Théurgie était « cérémonielle » ou « opérative » ; utilisant la Science du Verbe, elle mettait en œuvre la véritable « Kabbale » laquelle est la Science ou Connaissance du verbe (ou le Pouvoir inhérent au Sons universels[1]).

 Cet Enseignement diffusait, en conséquence, les fondements, non seulement de ce qui est devenu aujourd’hui la « Science Moderne », dans les multiples domaines de cette dernière, mais aussi de la constitution complexe des êtres et du principe essentiel qu’est, dans l’Univers, le phénomène de la Conscience. »

De cette exhaustivité résultait un pouvoir d’agir sur la matière ainsi que sur la structure subtile de l’être humain que la Science occidentale et les Religions ignorent encore.

B – Théosophie et accès à la « Sagesse Divine »

Parce qu’elle offre une Connaissance des Lois régissant l’Univers et l’être humain, sur tous les plans d’existence de ce dernier (physique, mais aussi psychique, mental et spirituel) ainsi que la mise en œuvre de ces Lois (Magie Divine ou Théurgie[2]), la Théosophie est la Science qui d’accéder à la Sagesse Divine.

En effet, l’assimilation intellectuelle de cette Connaissance développe les facultés très subtiles du lecteur, son intuition augmente au fil de ses acquis mentaux et si, par chance, celui-ci adhère à quelque pratique sérieuse et authentique (Médiation bouddhiste mahâyânique, Magie Divine de Purification personnelle, etc.) il transforme littéralement sa structure : physique, psychique, mental ce qui donne, à terme, des résultats d’ordre profondément spirituel.

En conséquence, la Théosophie moderne est la résurgence de l’Enseignement de deux Aspects de la Connaissance que divulguait publiquement la Théosophie éclectique, il y sept siècles :

  1. la Divinité et à la formation de l’Univers (Cosmogénèse) ;
  2. la formation de l’être humain et son évolution (Anthropogenèse)

Quant au 3e Aspect, la Théurgie, elle faisait l’objet — à cette époque néoplatonicienne — de beaucoup de discrétion et n’était divulguée que de façon très secrète. La Théosophie moderne garde cette même discrétion et n’offre au grand public aucune pratique liée à cet Aspect.

C’est donc par l’étude des sciences métaphysique et la pratique théurgique que la Sagesse Divine s’acquerra, peu à peu, sur ce Chemin, difficile, il est vrai, mais menant sûrement au Bonheur Suprême lié à l’Adeptat (voir « Maîtres de Sagesse »). Car, de fait, qu’est ce dernier, sinon l’état de celui ou de celle qui a maîtrisé la totalité de sa structure (les Théosophes diraient : des « Principes » composant l’être humain).

Et en vérité, par la libération complète de la souffrance, tellement liée à la condition humaine, cet Enseignement donne les prémisses fondamentales conduisant l’être humain « à la plus grande de toutes les victoires qui puissent échoir à un mortel ». » (Vie de Jetsun Kahbum Milarepa, Ed. Maisonneuve).

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[1] Voir « La Clé de la Véritable Kabbale » de Franz Bardon – Éd. A. Moryason – 1999
[2] Toutefois, cet aspect de la Théosophie, diffusé discrètement au IIe siècle de notre ère, ne sera pas encore repris au XIXe siècle