La thèse de Paul Johnson

sur l’identification des Maîtres de H.P. Blavatsky

 

K. Paul Johnson, un auteur américain, prétend identifier les Maîtres de Mme Blavatsky dans un ouvrage paru en 1990 sous le titre « A la recherche des Maîtres : derrière le mythe occulte » (Johnson Paul, In Search of The Masters : Behind the Occult Myth, P. Johnson, 1990). Il précise qu’il s’agit pour lui de procéder à une véritable « démystification » des Maîtres en leur attribuant respectivement les noms de personnages plus ou moins en vue qu’a rencontrés, voire fréquentés, H.P.B. au cours de sa vie.

Johnson Paul

The Masters Revealed : Madame Blavatsky and the Myth of the Great White Lodge

Dans un second livre, reprenant le même thème, paru en 1994 sous le titre « Les Maîtres révélés : Madame Blavatsky et le Mythe de la Grande Loge Blanche (Johnson Paul, The Masters Revealed : Madame Blavatsky and the Myth of the Great White Lodge, Albany : State University of New York Press, 1994), Paul Johnson poursuit sa première démarche jusqu’à présenter la Grande Loge Blanche comme une pure invention — un Mythe — de la part de la Fondatrice de la Société Théosophique. En effet, selon lui, puisque l’identification (faite dans le premier ouvrage) révèle des êtres aussi vulnérables que n’importe quel être humain et qui ne font pas montre de « pouvoirs » exceptionnels, la Confrérie d’Adeptes transhimalayenne, dotée d’un avancement suprahumain dans le domaine des connaissances et des capacités consciencielles, n’existe pas. Un des meilleurs spécialistes de Mme Blavatsky, John Algeo, fit une critique (Algeo John, Review Essay, K. Paul Johnson’s The Masters Revealed, T.H., V, N°7, pp. 232-247) de ce second ouvrage lors de laquelle il développe des arguments fondamentaux qui battent en brèche les conclusions de P. Johnson, tant au plan de la méthode que celui de la documentation que cet auteur déploie. Nous reprendrons quelques unes de ses analyses et en fournirons d’autres, notamment sur le premier titre.  

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La méthode de Paul Johnson

 

La méthode qu’utilise P. Johnson pour « prouver » l’identité des Maîtres puis la non existence de la Confrérie des Adeptes transhimalayenne, s’articule sur une subtile mystification du lecteur. Celle-ci s’organise au cours des pages, subrepticement, et prend le lecteur, tel un pêcheur dans son filet, par les procédés suivants :

  1. Il utilise le sérieux d’une documentation historique — démontrant de ce fait au lecteur le caractère « authentique» de sa démarche — pour asseoir ensuite, sans justification, la crédibilité de l’identification qu’il fait du Maître à tel individu.
  • Paul Johnson fournit, en effet, une excellente et très riche documentation sur le contexte historique et les personnage qui ont approché H.P.B. Ceci est remarquable notamment en ce qui concerne l’Initiation Soufie de la Fondatrice de la S.T., les accointances maçonniques de cette dernière et les liens l’unissant — à travers une Loge Occulte Egyptienne — aux Carbonari et à la Maçonnerie de la lignée de Cagliostro. Il offre, par ailleurs, une très bonne étude de personnages comme Charles Sotheran, Christopher Mackenzie et Albert L. Rawson. Le lecteur rencontre ainsi, par des récits basés sur des textes détaillés et référencés, le contexte des entreprises occultes auxquelles se trouvent présents tous les noms, notables ou discrets, de l’aventure spirituelle d’H.P.B., retracée dans les biographies de celles-ci.[1]
  • Une fois cette documentation éclairante posée, P. Johnson attribue un nom parmi ceux des personnages rencontrés par H.P.B. et figurant dans celle-là, à un Mahatma, sans qu’apparaisse alors une justification quelconque. Le sérieux de l’approche s’estompe dès qu’il s’agit de l’identification des Maîtres. Peu ou pas d’arguments susceptibles d’être retenus par un historien digne de ce nom n’étaie cette identification.
  1. Son discours relatif à l’identification des Maîtres, d’hypothétique — donc incertaine — devient très vite une « découverte » prouvée, fondée sur une contradiction. Il juxtapose ainsi une affirmation péremptoire à une incertitude initiale, procédé qui sera suivi tout au long de sa « démonstration ».
  • Il mélange, dans sa rédaction, l’affirmation d’une réalité certaine constatée par lui (le mode réel – indicatif) et l’incertitude liée à l’emploi du mode hypothétique (conditionnel) ; dans ce discours, haché d’assertions péremptoires et de doutes, le lecteur finit par retenir non pas l’identification elle-même (puisqu’elle fluctue) mais « une » identification que l’auteur, eu égard au sérieux de sa documentation, a certainement opérée.
  • Il ne cesse d’ailleurs d’affirmer au lecteur qu’il ne propose que des hypothèses puis, dans les pages qui suivent — sans doute le lecteur est-il trop stupide pour s’en souvenir — il assène des affirmations péremptoire qui, selon lui, sont de véritables découvertes historiques.
  • Il attaque ensuite sa démonstration par les termes : « il semblerait que »… « il est possible que.… », expressions qui expriment le manque de certitude imposée par la fragilité de l’argumentation au moment de sa présentation — fragilité dont l’auteur semble alors bien conscient — puis, au sein d’une documentation très riche qui éparpille l’attention du lecteur mais qui n’apporte aucune démonstration supplémentaire, il affirme, sûr de lui : « il est en réalité… » ; « il était la clé d’une conspiration internationale… » (Johnson Paul, In Search of The Masters : Behind the Occult Myth, P. Johnson, 1990, p. 180) ; ou, en synthèse : « Cette recherche a conduit à une série de découvertes inattendues qui permettent de prouver une fois pour toute la réalité des Mahatmas… » (op. cit, p. 118) — Il s’agit, bien entendu, des Mahatmas identifiés par l’auteur et non ceux de Mme Blavatsky.
  • Paul Johnson propose avec un certain doute une approche d’identité : « Il n’est pas improbable que Katkov lui-même soit un des Maîtres de la Théosophie… » (op.cit.p.133 – c’est nous qui soulignons). Puis, trois lignes plus loin, il affirme: « Que Mikhail Katkoff fut, en un sens, le supérieur de K.H. dans un groupe d’initiés sera démontré dans les chapitres qui suivent. » (op.cit.p.133 – c’est nous qui soulignons). Mais dans les chapitres qui suivent, rien n’est démontré !
  • L’incertitude de Paul Johnson sur l’identification qu’il propose est patente : il affirme, par exemple qu’il reconnaît le Mahatma Morya en ce révolutionnaire italien, Mazzini, puis, des chapitres après, il identifie ce même Maître au Maharadja Ranbir Singh.
  • Dans cet ordre d’idée, J. Algeo — un des meilleurs spécialistes actuels de Mme Blavatsky, avons-nous dit — précise, à propos de l’identification du Mahatma Morya : « Il n’y a pas d’évidence claire mais un paragraphe (136), qui tente de faire les connections nécessaires, comporte les formulations suivantes : « Il n’est pas invraisemblable… il peut avoir… il semble possible que… peut-être… aurait fait… pourrait avoir trouvé… pourrait avoir été… » Plus loin dans le chapitre, Johnson parle des « hommes identifiés plus haut comme les Mahatmas ». C’est ainsi qu’une éventuelle possibilité se trouve magiquement transformée en certitude ». (Theosophical History, V, N°7, p. 241 – c’est nous qui soulignons).
  1. Le discours de Paul Johnson s’appuie sur des contradictions et des ambiguïtés
Il reconnaît que dans la « réalité occulte » ou « spirituelle » qu’il se propose de cerner il existe des faits « inaccessibles à la recherche historique » — donc, en bonne logique, inaccessibles aussi pour lui — mais cette prise de conscience ne l’empêche pas de se déterminer implicitement, pour le point de vue de la « mystification » car il affirme avec assurance que :
  1. «…[H.P.B.] fit un mythe (mythologised) de sa recherche des Maîtres, de telle sorte que sa véritable quête demeurât secrète » (op. cit., p. 4).
  2. il n’existe pas d’autre réalité, derrière le jeu de masque employé par H.P.B. pour voiler l’identité des Adeptes réels, que des figures politiques et religieuses dépourvues de la transcendance spirituelle que leur prête leur « disciple ». (tout le discours de son second ouvrage : « The Masters Revealed : Madame Blavatsky and the Myth of the Great White Lodge, Albany : State University of New York Press, 1994).
Quelle transcendance spirituelle possède Paul Johnson qui lui permette d’en détecter le manque chez autrui ?
  • Son discours, par l’emploi d’expressions révélant l’incertitude — nous venons de le voir — est en totale contradiction avec l’assurance, pleine de présomption, de ses découvertes : « Cette recherche [la sienne] conduit à une série de découvertes inattendues qui permettent de prouver une fois pour toute la réalité des Mahatmas indiens de HPB : Morya, Koot Hoomi et Djual Kul. » (op.cit. p.118 – C’est nous qui soulignons).
  • Il affirme un fait qu’il contredit par une autre affirmation à la page suivante ! Il dit, en effet : « L’histoire de la première rencontre de la jeune Helena avec son Maître [le Mahatma Morya] à Londres en 1851, n’a jamais été confirmée. » (op.cit.p.134). Soit. Mais il ajoute plus loin : « …cette histoire [la rencontre à Londres avec le Mahatma Morya] est en fait basée sur la rencontre de Blavatsky avec Giuseppe Mazzini qui était exilé à Londres… » (op.cit.p.135 – c’est nous qui soulignons). Le lecteur, s’il a retenu la négation de quelque rencontre que ce soit avec un Maître — peu importe son identité réelle — formulée à la page 134 du livre de Paul Johnson, s’étonne de ce qu’une page après il y eût bien eu une rencontre avec ce même Maître — identifié à Mazzini par l’auteur !… P. Johnson confond, en fait, dans sa recherche, la réalité d’un événement — une rencontre a-t-elle eu lieu ? — avec la réalité d’une identité, celle de la personne rencontrée — c’était Mazzini, ou bien Morya ou bien encore X… !
  • Paul Johnson, oubliant sans doute Mazzini, n’hésite pas, quinze pages après, à affirmer la découverte de l’identité du Mahatma Morya : le Maharadja du Cachemire, Ranbir Singh ! (op. cit.p. 150).
  • J. Algeo souligne l’ambiguïté du tout discours de P. Johnson : « Johnson, en fait, ne définit jamais clairement sa thèse et semble fluctuer entre les deux versions de celle-ci. Parfois il s’exprime comme si Ranbir Singh était réellement un Instructeur dirigeant Blavatsky et pour lequel elle employait le pseudonyme « Morya ». À d’autres moments il écrit comme si « Morya » était une fiction modelée sur Ranbir Singh.» (T. H., p.239)
  • Pareillement, dans cette affirmation précitée (« Elle [H.P.B.] fit un mythe (mythologised) de sa recherche des Maîtres, de telle sorte que sa véritable quête demeurât secrète » (op. cit., p. 4).), nous ne savons pas si le fait de créer un mythe, par H.P.B., est un argument favorable à celle-ci eu égard à l’élévation — supposée — de sa quête secrète , ou si l’ensemble de l’appréciation est entièrement préjudiciable à la Fondatrice de la S.T.

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[1] Biographies suivantes :

  • « La Vie extraordinaire d’H.P. Blavatsky » de A.P. Sinnet(Ed. Adyar – 1ère de 1886) ;
  • « La Doctrine Secrète et Madame Blavatsky » de C. Wachtmeister (Ed. Adyar – 1ère de 1893 / Narration quasi quotidienne par un témoin oculaire de la manière dont H.P.B. écrit sa Doctrine).
  • « A la recherche de l’Occulte » de H.S. Olcott (Ed. Adyar – Sous ce titre a été traduit en français le premier volume de « Old Diary Leaves » du Colonel Olcott (Ed. ) ;
  • « Helena Petrovna Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de N.R. Nafarre (Ed. Nafarre – 1992 & 1995),
  • « The Extraordinary Life and influence of Helena Blavatsky, Founder of the Modern Theosophical Movement » de Sylvia Cranston – Ed. P. Putman’s Sons, New York – 1993 en anglais uniquement).

Une approche initiale partisane

Paul Johnson utilise des documents — soit neutres (historiques) — soit délibérément hostiles à Mme Blavatsky

 

Malgré l’intégrité d’historien qu’il prétent donner à sa démarche, il n’a jamais consulté pour la rédaction de ses ouvrages des sources favorables à Mme Blavatsky ou des écrits de témoins directs de la vie de celle-ci (A) ; il a opéré une selection partiale dans certaines autres (B). L’a priori hostile à Mme Blavatsky éclate de façon patente dans sa tentative d’idientifier les Maîtres de cellec-i.

A – Les sources manquant à la documentation de Paul Johnson
  • les sources dites « de premières mains », celles rédigées par les témoins occulaires des faits et gestes de Mme Blavatsky :
  1. « Old Diary Leaves » de H.S. Olcott en 4 volumes : un journal minutieusement tenu au fil des années ;
  2. « La vie extraordinaire de Mme Blavatsky » de A.P. Sinnett ;
  3. « La Doctrine Secrète et Mme Blavatsky » de Constance Wachtmeister ;
  4. les « Lettres à A.P. Sinnet » de Mme Blavatsky ;
  5. les compte rendus épars de ses proches (sa sœur, sa nièces) ou de ceux qui la rencontrèrent (les Guébhard en Allemagne, ou du Dr Hübbe Schleiden).
Témoignages qui concordent tous en faveur de l’Initiée russe…
  • les sources que H.P.B. donne elle-même au sujet du Kiu-Té. Ce texte himalayen secret qui fonda l’Enseignement qu’elle divulgua : la référence au jésuite T. Della Penna qui publia en 1730 (et republié à Paris dans le Nouveau Journal Asiatique en 1835) le récit de son voyage au Tibet, faisant état — dès le XVIIIe siècle donc ! — d’un livre sacré appelé Kiu-Té.
  • les documents de « réhabilitaion » d’H.P.B. :
  1. le Rapport du Dr Harrison d’avril 1986, expert en graphologie, membre de la Société de Recherche Psychique de Londres, reniant le contenu infamant à l’égard d’H.P.B. du Rapport Hodgson de 1886 ;
  2. les travaux de l’éminent Tibétologue David Reigle, effectués sur les rouleaux portant inscrits des textes sacrés, rescapés du Tibet suite à l’invasion chinoise, découverts en 1981, qui concluent en cette phase magistrale : « Depuis l’identification évidente des Livres de Kiu Te (rGyud-sde) comme étant les Tantra bouddhistes tibétains, en 1981, je me suis longtemps douté que le « Livre de Dzyan », duquel les Stances de « La Doctrine Secrète » étaient traduites, pouvaient être le Mûla (Racine) Kâlachakra Tantra perdu. » (D. Reigle, « Light on the Dzyan : Kalachakra », Symposium on H.P.Blavatsky’s Secret Doctrine, Proceedings Sat. & Sun. Juillet, 21-22, 1984, Wizard Bookshelf, San Diego, California.) Les ouvrages de D. Reigle que Paul Johnson ne consulta pas sont, notamment :
  • « The Books of Kiu te – or the Tibetan Budhists Tantras – a Preliminary Analysis » (Wizards Bookshelf, San Diego, 1983) ;
  • « Light on the Dzyan : Kalachakra », Symposium on H.P.Blavatsky’s Secret Doctrine, Proceedings Sat. & Sun. Juillet, 21-22, 1984, (Wizard Bookshelf, San Diego, California. 1984).
  1. L’existence, grâce à leur récente découverte, de ces rouleaux transhimalayens, dont le contenu est la perpétuelle référence d’H.P.B. et de ses Maîtres — transhimalayens aussi, donne tout crédit à celle-ci sur la véracité de ses dires.
  2. Le jugement laudatif qu’ont porté sur H.P.B. et sur l’œuvre de celle-ci des Maîtres reconnus de la Spiritualité Orientale (le IXe Panchen Lama, D.T. Suzuki, le Lama K.Dawa Sandup, etc.) qui, eux, avaient la capacité de cerner « la réalité occulte » (ce que P. Johnson ne se reconnaît pas !)
Paul Johnson, en sa qualité d’historien et aux fins d’asseoir des « découvertes » sur des bases documentaires solides, devait — c’était une obligation — consulter TOUTES les sources relatives au sujet qu’il se proposait de traiter. Il avait à sa disposition — et à cette fin — les sources plus récentes, celles qui parurent au cours du XXe siècle pour ce qui concerne les éloges d’Initiés orientaux et celles véritablement contemporaines : les travaux du Tibétologue David Reigle (1984) et le Rapport Harrison de 1986. Pourquoi Paul Johnson ne jette pas un regard sur des documents précieux, concernant le sujet qu’il traite, parus respectrivement six et quatre ans avant la rédaction de son propre ouvrage ? Cette négligence est, dans ce débat, inexcusable[1]. B – Une sélection partiale a été faite dans certaines sources 
  • les sources d’écrits contemporains à celle-ci, (« les Lettres des Maîtres de la Sagesse et les Lettres des Mahatmas » qui fourmillent de détails précis, de dates, de précisions de lieux, etc. éclairant indéniablement l’aventure spirituelle d’H.P.B. ; Paul Jonhson choisit des éléments tronqués susceptibles de conforter ses thèses sans même prendre en considération le vaste contenu de ces lettres.
La démarche a priori hostible à Mme Blavatsky éclate de façon patente dans sa tentative d’idientifier les Maîtres de celle-ci.  

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[1] La lacune ou négligence de Paul Johnson n’empêchèrent pas ce dernier de s’étonner amèrement de ce que N. R. Nafarre dans son livre « H.P.Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » ne fît pas mention de son ouvrage. N.Nafarre n’avait pas connaissance du livre de Paul Johnson en 1991-92 lorsqu’il rédigeait le sien ; il répara cette « erreur » non seulement en le citant dans la 2e édition de son titre (1995) mais en ajoutant un Appendice (Appendice III – P.P . 618-632) en réponse aux thèses de Paul Johnson, Appendice que nous avons repris ici en le pésentant différemment.

Djwhal Khul et la Théosophie

  Paul Johnson dit que ce Maître était indien. En réalité, il était Tibétain. Il vivait près de Shigatsé, aux côtés de son Maître, le Mahatma Kout Houmi. Il n’aurait donc pu être près de ce dernier si ce Mahatma était — comme l’identifie P. Johnson — Thakar Singh Sanshanwalla, vivant à Amristar. (Cf. Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar 1990 – p. 77, 99, 156, 209, 213, 235, 314, 348, 351 à 354, 363 et 415). Voici les extraits mentionnés : Lettre n° XI – septembre 1882 – p. 77

[…] La valeur philosophique de Schopenhauer est si bien connue dans les pays occidentaux qu’une comparaison de ses enseignements sur la volonté, etc., avec ceux que vous avez reçus de nous ou le fait qu’ils s’impliquent mutuellement peut être instructif. Oui, je suis tout disposé à voir vos 50 ou 60 pages, et à les annoter dans les marges : rédigez-les de toute façon et envoyez les moi soit par le petit « Deb », soit par Damodar, et Djoual-Koul les transmettra. Dans très peu de jours, peut-être demain, vos deux questions recevront de ma part une réponse circonstanciée. En attendant, sincèrement vôtre, — K.H.

Lettre n° XIV – 9 juillet 1882 – p. 99

[…] (N.B. – Ce qui est ci-dessus est de l’écriture de D.K. – le reste de celle de K.H. – A.P.S.) P.S. – Dans sa hâte, D.J.K. a fait quelque peu dévier sa figure de la perpendiculaire, mais elle peut servir d’aide-mémoire sommaire. Il l’a dessinée pour représenter le développement sur une seule planète, mais j’ai ajouté un mot ou deux afin qu’elle puisse s’appliquer aussi bien (ce qu’elle fait) à une chaîne manvantarique de mondes toute entière.— K.H.

Lettre n° XXI – août 1882 – p. 156

[…] Eh biens comment trouvez-vous l’idée et l’art de Djual-Khool ? Je n’ai rien aperçu de Simla pendant ces dix derniers jours. Affectueusement vôtre, — K.H.

Lettre n° XXIVb – automne 1882 – p. 209

[…] Quand l’homme intérieur se repose, l’adepte devient un homme ordinaire, limité à ses sens physiques et aux fonctions de son cerveau physique. L’habitude aiguise les intuitions de ses fonctions cérébrales mais ne peut toutefois les rendre super sensorielles. L’adepte intérieur est toujours prêt, toujours sur le qui-vive, et cela suffit pour nos desseins. Aux moments de repos, par conséquent, ses facultés sont aussi au repos. Quand je m’assieds pour prendre mes repas, ou quand je m’habille, lis ou suis autrement occupé, je ne pense même pas à ceux qui sont près de moi ; et Djoual Khoul a pu facilement se casser le nez à en saigner en courant dans le noir et en se heurtant à une poutre, comme il le fit l’autre nuit (simplement parce que, au lieu d’interposer une « pellicule », il avait absurdement paralysé tous ses sens extérieurs pendant qu’il parlait à un ami éloigné) alors que je demeurais placidement ignorant du fait. Je ne pensais pas à lui, d’où mon ignorance. De ce qui précède, vous pouvez bien conclure qu’un adepte est un mortel ordinaire à tous les moments de sa vie journalière, en dehors de ceux où l’homme intérieur est actif. […] — K.H.

Lettre n° XXIVb – automne 1882 – p. 213, 214

[…] Votre suggestion, concernant la prochaine tentative artistique de G.K., est adroite, mais pas suffisamment pour cacher les fils blancs de la noire insinuation jésuitique. G.K., toutefois, s’y est laissé prendre : « Nous verrons, nous verrons ! » dit la chanson française. G. Khoul dit (en présentant ses plus humbles salaams) que vous avez « incorrectement décrit le cours des événements en ce qui concerne le premier portrait ». […] Et ce fut lui encore G.K., le « grand artiste », qui dut faire disparaître la « sangsue »,. corriger le bonnet et les traits et qui le fit « ressembler au Maître » (il insiste pour me donner ce nom quoique en réalité, il ne soit plus mon chéla), étant donné que M., après l’avoir abîmé, ne voulait pas se donner la peine de le corriger mais préférait, au lieu de cela, aller dormir. Et, finalement, il me déclare qu’en dépit de mes moqueries au sujet du portrait, la ressemblance est bonne mais aurait été meilleure si M. Sahib n’était pas intervenu, et s’il lui avait été permis à lui, G.K., d’employer ses propres méthodes « artistiques ». […] — K.H.

Lettre n° XXV – 2 février 1883 – p. 235

[…] Là-dessus, Salam, et meilleurs souhaits. Je suis extrêmement occupé avec des préparatifs d’initiation. Plusieurs de mes chélas (Djoualkhoul parmi d’autres) s’efforcent d’atteindre « l’autre rive ». Fidèlement vôtre. — K.H.

Lettre n° XLVI – reçue à Simla 1882 – p. 314

[…] Par conséquent, si nous sommes les Orientaux ignorants et sauvages de sa fabrication – chaque loup étant maître dans sa tanière – nous revendiquons le droit de savoir mieux que personne ce que nous avons à faire et de décliner respectueusement ses services comme capitaine pour guider notre vaisseau théosophique, même sur « l’océan de la vie mondaine » pour employer la métaphore de sa sloka. Nous lui avons permis, sous le bon prétexte de sauver la situation vis-à-vis des théosophes britanniques, d’exprimer son animosité contre nous dans l’Organe de notre propre Société, et de faire notre portrait avec un pinceau trempé dans sa bile orgueilleuse – que demande-t-il de plus ? Comme j’ai ordonné à la vieille femme de lui télégraphier en réponse – il n’est pas le seul navigateur habile dans le monde ; il cherche à éviter les brisants occidentaux et nous à éloigner notre bateau des bancs de sable orientaux. Se propose-t-il aussi de dicter, du Chohan à Djoual Khool et à Deb, ce que nous ferons et ne ferons pas ? Ram, Ram et les Saints Nagas ! Est-ce après des siècles d’existence indépendante que nous devrons tomber sous une influence étrangère et devenir les marionnettes d’un Nawab de Simla ? Pense-t-il que nous sommes des écoliers, à vouloir nous soumettre à la férule d’un maître d’école Peling ?… […] Oh vous, Occidentaux, qui vous vantez de votre moralité !… Que les brillants Chohans vous gardent vous et les vôtres du mal qui approche, tel est le vœu sincère de votre ami. — M.

Lettre n° LIV – octobre 1882 – p. 351

[…] Même maintenant – ajoute-t-il – qu’il a obtenu la certitude subjective que nous sommes des entités distinctes de Mme B. – « je ne peux dire ce que vous êtes, vous pouvez être Djual Kool, ou un esprit d’un haut plan oriental », etc… de la même veine. […]

idem, p. 354

[…] Il fait de nous des Agnostiques ! Nous ne croyons pas en Dieu parce que jusqu’ici nous n’avons pas de preuve, etc… Cela est absurde et ridicule : s’il publie ce que j’ai lu, je ferai désavouer le tout par H.P.B. ou Djual Khool, car je ne peux laisser ainsi défigurer notre philosophie sacrée.. […]

idem, p. 363

[…] La phrase stéréotypée : « Ce n’est pas moi [H.P.B.]° ; je ne peux rien par moi-même… c’est toujours eux – les Frères… Je ne suis que leur esclave et leur instrument humble et dévoué » est tout à fait inexacte. Elle peut produire et, en fait, elle a produit des phénomènes, grâce à ses propres pouvoirs naturels, joints à un entraînement régulier de plusieurs années, et ses phénomènes sont quelquefois meilleurs, plus étonnants et bien plus parfaits que ceux de quelques hauts chélas initiés qu’elle surpasse en goût artistique et en appréciation de l’art à la façon purement occidentale – comme par exemple dans la production instantanée de tableaux témoin son portrait du « fakir » Tiravalla mentionné dans Hints et comparé avec mon portrait par Djual Khool. Malgré toute la supériorité des pouvoirs de ce dernier, si on les compare aux siens à elle, malgré sa jeunesse contrastant avec la vieillesse de H.P.B. et les avantages indéniables et importants qu’il possède pour n’avoir jamais mis son magnétisme pur et sans mélange en contact direct avec la grande impureté de votre monde et de votre société – malgré tout cela il ne pourra jamais, quoi qu’il fasse, produire un portrait comme celui-là, simplement parce qu’il est incapable de le concevoir dans son mental et sa pensée de tibétain. […] — K.H.

Lettre n° LXIII – Londres été 1884 – p. 415

[…] Mes lettres ne doivent pas être publiées de la manière que vous suggérez, mais au contraire, si vous voulez épargner de la peine à Djual K., vous enverrez la copie de quelques-unes au Comité littéraire à Adyar – Comité au sujet duquel Damodar vous a écrit – ainsi avec l’aide de S.T.K Charya, Djual K., Subba Row et du Comité Secret (d’où H.P.B. fut à dessein exclue par nous, pour éviter de nouveaux soupçons et de nouvelles calomnies) […] — K.H.

  D’autres part, Paul Johnson affirme que Djwal Khool était un des Instructeurs de la Théosophie. Or, il n’en fut rien car à cette époque — les années 70-80 du siècle dernier — il avait le statut de Disciple (du Mahatma Kout Houmi) et vivait auprès de son Maître au Tibet (Cf. Lettres des Mahatmas – Lettre n° XXV – 2 février 1883 – p. 235).  

« Identification » du Mahatma Morya

1 – Rencontre d’H.P.B. avec le Mahatma Morya
  • Paul Johnson dit : « L’histoire de la première rencontre de la jeune Helena avec son Maître (le Mahatma Morya) à Londres en 1851 n’a jamais été confirmée. » (op.cit.p.134).

    Pourquoi Paul Johnson ne mentionne pas le document trouvé, écrit de la main d’H.P.B. et datant de cette époque, conservé dans les archives de la Société Théosophique à Adyar (Madras-Inde) qui est explicite : « Nuit mémorable…. le 12 août 1851 lorsque je rencontrai de Maîtres de mes rêves [1] . Le 12 août, c’est juillet 31 style russe, jour de ma naissance — Vingt ans ! ». Est-ce que dès lâge de 20 ans, Mme Blavatsky aurait décidé d’être la mystificatrice que l’on détecta beaucoup plus tard en elle, et qui aurait, dès ce jeune âge, donc, rédigé « ce mensonge » de sa main ?
    Paul Johnson, pour fonder ses conjectures, ne souffle mot de cette pièce à conviction irréductible à moins qu’il ne considère ce document comme une falsification tardive (fait hautement improbable eu égard à son archivage hors de la portée d’H.P.B., en Russie). Si telle est l’opinion de P. Johnson, il doit à tout le moins faire une critique convaincante de ce document (conservé aux archives d’Adyar, donc analysable par lui ou tout expert) afin d’établir qu’il s’agit d’un faux. Cette démarche serait davantage apte à nous convaincre que son silence.
  • L’auteur dit : « Cette histoire [la rencontre à Londres avec le Mahatma Morya] est en fait basée sur la rencontre de Blavatsky avec Giuseppe Mazzini qui était exilé à Londres… » (op.cit.p.135).

    Mazzini
    Giuseppe Mazzini (1805-1872)
    Connaissant le témoignage de H.P.B. jeune, en Russie, à sa famille, à propos de l’Hindou qui la protège et la guérit mystérieusement d’une blessure à la poitrine et de tant d’autres épisodes où elle mentionne les Radja Yogi on la voit mal dire de Giuseppe Mazzini, révolutionnaire italien, — qu’elle a peut-être rencontré à Londres — que ce dernier est « le Maître de ses rêves »

    Sachant, de plus, le nombre de personnalités remarquables en matière d’Occultisme qu’H.P.B. a rencontrées dans son existence, sa vénération envers ce Maître serait bien étrange si elle s’exerçait envers Mazzini, aussi grande que soit l’envergure politico-révolutionnaire de celui-ci.
  • Paul Johnson affirme que le récit des évènements survenus à Londres en 1851 fait état « de subterfuges (blinds) devant masquer sa rencontre avec Mazzini ». (op.cit.p.141).
    Pourquoi spécialement Mazzini ? Pour rester logique, P. Johnson — puisqu’il tenait à la thèse du « subterfuge — aurait pu préciser que ce masque pouvait recouvrir X ou Y… Cette identification de Mazzini est tout à fait gratuite, car, P. Johnson, veut à tout prix faire rencontrer à H.P.B. n’importe qui, excepté celui qu’elle définit elle-même.
 
2 – Ranbir Singh, Maharaja du Cachemire, identifié au Mahatma Morya
  •  « HPB et le Royaume du Maître » (op.cit.p.150). Dans ce sous-titre, Paul Johnson prétend enfin — après Mazzini, selon la rédaction incertaine de cet auteur — révéler l’identité du Maître Morya : il s’agit du Maharadja du Cachemire, Ranbir Sing. Nous nous attendons donc à une description de ce personnage qui corresponde à toutes les situations auxquelles le mêle l’histoire théosophique. Or il n’en est rien, sur une question essentielle : La création projetée du journal indigène « Le Phoenix ».
  • La création d’un journal indigène, « Le Phoenix », est envisagé par les Maîtres Morya et Kout Houmi ; ce projet nécessite des capitaux qui ne pouront être réunis. La thèse de Paul Johnson contredit les événements liés à ce projet. En effet, des lettres du Mahatma Kout Houmi, adressées à A.P.Sinnett (Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar – 1990 – p.p.440-447) déplorent « le manque de patriotisme » que rencontre cette tentative avortée qui avait pourtant reçu la caution de « la Hiérarchie ». Comment se fait-il alors que le riche et puissant Maharadja du Cachemire, Ranbir Singh, ne soutienne pas « ses » propres oeuvres ? Ce dernier semble même curieusement « déchiré » entre deux attitudes, ainsi que l’évoque un propos du Mahatma Kout Houmi adressé à H.S. Olcott: « vous feriez mieux de dire nettement à M. Sinnett que son ancien ami de Simla [A.O. Hume] a — peu importe sous quelle influence — nettement compromis le projet du journal, non seulement pour ce qui est du Maharaja de Cachemire, mais de beaucoup d’autres dans l’Inde ». (Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar 1990 – p.432).

    Maharaja Ranbir Singh (1832-12 septembre 1885) Second Maharaja de Jammu et du Cachemire de 1857 à 1885

    Les suspicions de A.O. Hume à l’égard de l’identité des Mahatmas en général et du Maître Morya, pour ce qui nous concerne ici, sont bien connues. A.O. Hume est allé dénigrer ce projet de journal au Maharadja du Cachemire — sollicité pour une participation financière — qui, sous cette influence, se met à douter de l’exitence des Mahatmas. Si donc, le Mahatma Morya était ce Maharadja — ainsi que le prétend Paul Johnson — il serait venu à renier sa propre existence !
    Pensant accréditer sa thèse, P. Johnson cite, au sujet de cette affaire du « Phoenix », une lettre où le Maître Kout Houmi place ses espoirs dans les dons financiers du Maharadja du Cachemire (Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar 1990 – p.514) en évitant, toutefois, de citer celle que nous mentionnons précédemment. Le Maître, d’ailleurs, n’est pas sûr de cette participation : « jusqu’à ce que le Maharadja du Cachemire ait été sondé ». Si ce Prince avait été le Maître Morya, pourquoi pareille précaution et pourquoi n’aurait-il pas financé immédiatement son propre projet ? P. Johnson ne voit-il pas qu’il ruine lui-même sa propre hypothèse?
    Précisons que la fortune du Souverain d’un des plus riches États de l’Inde — le Maharadja du Cachemire — pouvait amplement suffire à la création dudit journal philosophique et « politique » (selon Paul Johnson) qui devait servir les buts des Mahatmas.
 
3 – Les pouvoirs occultes du Mahatma Morya.
  • Paul Johnson nous éclaire: « Que Ranbir Singh soit le maître de HPB dans l’optique envisagée par la tradition religieuse est improbable. Pas plus que celui-ci ne donna d’ordre par télépathie ou exerça d’étranges pouvoirs, selon les rapports historiques »… ( op.cit. p. 153).
    Il faut alors jeter au panier les 6 volumes des « Old Diary Leaves » d’Olcott, le livre de C. Wachmeister et enfermer à l’hôpital psychiatrique ces auteurs ainsi que les frères Keithley, Gebhard, Sinnett, etc… ou bien les citer devant un Tribunal posthume pour faux témoignage!
  • De plus, et particulièrement dans ce cas, on voit mal H.P.B. — qui n’a d’autre centre d’intérêts que l’Occultisme et qui a rencontré des êtres exceptionnels, dans ce domaine, au cours de ses voyages — se montrer soudain tout bonnement « captivée » par « la magnificence de R. Singh et son authentique bienveillance spirituelle » même, « … si elle ne l’a vu que de loin »!…(op.cit. p.151).
  • Comment envisager, enfin, qu’H.P.B. ait subitement décidé — puis clamé et ensuite souffert des années durant à cause de cet attachement et intégrité — que ce Maharadja, « vu que de loin… », est — pour elle et dans son imagination de folle, pense sans doute Paul Johnson — un Maître, un Mahatma à la tâche duquel elle dédiera sa vie ?
  • Toutefois, selon P.Johnson, le fait que Ranbir Singh puisse prêter assistance à H.P.B. pour aller au Tibet, ce qui est « le désir de son cœur » (op.cit.p.153), suffirait à celle-ci pour que ce Maharadja devienne « le modèle de toutes les vertus « du Maître M. » (op.cit.p.153), Maître dont le nom — l’initiale — figurait dans ses papiers personnels de ses vingts ans !
  • Cette dernière phrase implique donc qu’HPB., qui a tout sacrifié dans sa vie (argent, réputation, santé, etc…) à la Mission que lui a confiée son Maître, agissait ainsi sous l’emprise d’un mirage qu’elle aurait elle-même créé à la seule vue d’un magnifique Maharadja !
  • Quelle considération Paul Johnson porte-t-il aux écrits de la Fondatrice d’une Société dont il est lui-même membre ? Ceux-ci ne laissent en rien percevoir qu’elle fut mentalement débile.
 
4 – La résidence au Cachemire du prétendu Mahatma Morya.
  • Dans son argumentation, Paul Johnson dit : « Et quel enthousiasme fut plus profond…[pour HPB] que cette fascination pour le Tibet… » (op.cit.p.153).
  • Il ne précise pas, cependant, pourquoi pareil « désir du cœur » (op.cit.p.153).et pourquoi, puisqu’elle a enfin trouvé le Maître dans la personne de Ranbir Singh, elle s’acharne alors à aller au Tibet, sans se soucier de l’Enseignement Esotérique que ce Maître-Maharadja devrait, en toute logique et selon la tradition liant Guru et Disciple, lui dispenser ? N’aurait-elle donc trouvé « le Maître de ses rêves » (Cf. archives d’Adyar- Scrab Book) que pour songer à le quitter aussitôt ? Tous les efforts — notamment son acharnement à cette fin tout au long des années 1854-1884 — que fait H.P.B. pour aller au Tibet impliquent, au contraire, que la résidence de son Maître est au Tibet.
  • Si, en réalité, ces Mahatmas résidaient, — selon les conjectures de Johnson — l’un près d’Amristar — nous étudierons cette conjecture de Johnson au sujet du Mahatma Kout Houmi dans les pages qui suivent — et l’autre dans son palais cachemirien, cette « fascination » n’aurait aucun sens ! N’est-ce pas dans le Sikkim qu’elle retrouve les Maîtres après 2 et 3 ans de séparation (Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar – 1990 – p. 364). Et lorsque le Chohan — le Supérieur hiérarchique des Mahatmas, Chef de la Conférie des Adeptes transhimalayens — pour des motifs de sécurité, interdit à H.P.B., qui doit se faire soigner par son Maître, l’accès au Tibet, en 1884… c’est vers le Sikkhim, (état limitrophe du Tibet, relié à ce dernier par la route directe Darjeeling-Gangtok-Shigatsé) — et non au Punjab (Amristar) ou au Cachemire (chez le Maharadja supposé être le Mathama Morya) — que de multiples témoins accompagnent « la Vieille Dame » et c’est là aussi que les Maîtres Morya et Kout Houmi rejoignent cette dernière.
  • Comment concilier, au demeurant, la présence quasi-permanente du Mahatma Morya au-delà de l’Himalaya (cf. toutes les Lettres des Mahatmas que ne révoque pas Paul Johnson, celles-ci étant amplement utilisées par lui), avec les fonctions de Radja régnant qu’il lui prête.
  • Lorsque, de plus, S. Ramaswamier veut rencontrer le Mahatma Morya, il précise, dans son récit (Lettres des Maîtres de la Sagesse, tome 2, p.p. 143-153) qu’il suivait « le chemin conduisant à la ville de Sikkhim d’où, (lui) assuraient les personnes rencontrées, (il) pourrait facilement passer au Tibet… ». Pourquoi tant de peines et de dangers affrontés alors qu’il lui suffit d’aller au palais du Maharadja du Cachemire ?
  • Citons, enfin, les affirmations mêmes du Mahatma Morya : « …puis on me fait dater mon message supposé de Ladhak, 16 décembre, alors que je jure j’étais à Ch-in-ki (Lhassa)… ». (Lettres des Mahatmas – p.504).
 
5 – Le portrait physique du Mahatma Morya.
  • Le même Ramaswamier rencontre sur sa route, dans le Sikkhim — et non vers Jammu — le Mahatma Morya. Il confirmera par la suite en tout point la description donnée par Olcott et H.P.B. à propos de leur Maître. Il ne démentira pas celle-ci lorsque les portraits de Schmiechen seront publiés à partir de 1884.
  • Nul ne reconnaîtra, de surcroît, dans le portrait du Mahatma Morya, la physionomie du Maharadja du Cachemire, connue de la multitude nord-indienne (il était une personnalité publique) ainsi que des proches des Fondateurs lesquels, de fait, le fréquentaient assidûment.
  • A tout moment, par conséquent, les arguments de Paul Johnson impliquent davantage qu’un « masque ». Ils dénoncent une véritable imposture qui engage, autour d’H.P.B., tous ceux qui lui ont apporté crédit.
 
6 – Les idéaux du Mahatma Morya.
  • Paul Johnson prétend tout au long de son discours que les préoccupations essentielles des Mahatmas Indiens sont d’ordre politique. Or, en étudiant les Lettres des Mahatmas, on ne découvre rien d’autre que des spéculations philosophiques et un Enseignement Esotérique élevé, assorties çà et là de considérations sur la situation politique de l’Inde qui ne font jamais ressortir un soutien aux idées d’Indépendance immédiate qui seraient « une conspiration internationale » dans laquelle le prétendu Maître Kout Houmi (c’est à dire Thakar Singh, selon Johnson) joue « un rôle-clé » impliquant, entre autres, les rapports politiques entre la Russie, le Tibet et l’Inde, via l’éditeur Katkoff (op.cit.180), considéré par Paul Johnson comme étant « en un sens supérieur à K.H. dans le groupe d’initiés…. » (op.cit. p.133).
  • Enfin, Paul Johnson effectue — mais avec une conclusion incohérente — des rappochements curieux, ainsi que le révèle J. Algeo ; en effet, à la poursuite de l’identification du Mahtama Morya, il attribue la conduite sectaire du Maharadja du Cachemire, Ranbir Singh, et quelques traits moraux « monomaniaques » de ce dernier au… Mahatma Kout Houmi ! Identifier Morya en se référant à Kout Houmi est totalement illogique.

    Compte tenu de ce qui précède, et qui est loin d’être exhaustif…, il est patent que l’identification du Mahatma Morya à Ranbir Singh, Maharadja du Cachemire, tout honnête homme que fût ce dernier, assassiné à la suite d’une conspiration « le 12 septembre 1885 » (op.cit.p.144 et p.150), n’est aucunement prouvée et s’avère, enfin, eu égard à l’ensemble du contexte théosophique, profondément absurde.
 


[1] Le Maître qu’elle voyait en rêve durant son enfance.

« Identification » du Mahatma Kout Houmi

 
Takur Singh Sandhanwalia (1837-1887)
 

Paul Johnson identifie le Mahatma Kout Houmi au Sirdar[1] du Temple d’Or d’Amritsar (Penjab – Inde), Takur Singh Sandhanwalia.

Celui-ci est, en réalité, le « Premier Président du Sikh Sabha », un dignitaire sikh totalement engagé dans un complot patriotique, étendu sur plusieurs années, visant à rétablir son cousin, le « Maharadja détrôné » Duleep Singh, sur le trône de Lahore.

Cette tentative, mal conduite contre un ennemi trop puissant et au profit d’un Prince inconstant, échoue lamentablement.

Paul Johnson nous informe qu’un secrétaire du gouvernement anglais du Penjab écrit un rapport au sujet de Takur Singh, en 1885 :

« Sirdar Takur Singh est en disposition d’intriguer, et il n’est pas dépourvu de certaines ressources à cet égard. Il n’est cependant pas bon homme d’affaires et se trouve lourdement endetté. Il est inquiet de réapparaître dans cette partie du Penjab par crainte de ses créanciers, au moins de l’un d’eux qui a obtenu un décret contre lui. En 1883, il a fait appel au gouvernement… pour être déclaré inapte à gérer son patrimoine. Le décret fut pris et ses affaires sont maintenant administrées par les juges de tutelle. »

(op. cit., p. 207)

Un témoin décrit Takur Singh ainsi :

« Takur Singh parlait constamment du maharadja Duleep Singh qu’il avait vu en Angleterre comme d’une incarnation de la déité et dit qu’il reviendrait bientôt reprendre son royaume… »

(op. cit., p. 219)

Finalement, Takur Singh achévera ses jours misérablement, dans l’effondrement de ses illusions. Voilà donc la situation du « Mahatma Kout Houmi » de Paul Johnson lorsque celui-ci donne des leçons de Philosophie Bouddhiste (quoique étant Sikh !) dans les années 1880 en résidant, de plus, à Shigatsé (Tibet). (cf. Lettres des Mahatmas). En fait, les intrigues menées au profit du Prince Duleep Singh sont une conspiration religieuse fondée sur un discours de fanatisme messianique incompatible de bout en bout avec les propos de l’auteur des « Lettres des Mahatmas ». Paul Johnson prétend que Mme Blavatsky, dans sa volonté de convertir les maharadjas à la Théosophie et d’impliquer également Takur Singh dans une conspiration russe menée par son éditeur, Katkoff, ne se doutait sans doute pas des effets funestes de son action sur le « Mahatma ». En effet nous apprenons de Paul Johnson « … que le martyre de Takur Singh était dû en partie à l’inspiration d’H.P.B. » (op. cit., p.230) ; et, plus loin, que « la mort, dans le cas de Takur Singh, fut celle à laquelle il fut conduit par son engagement auprès d’H.P.B. » (op. cit., p. 236) — Cela après avoir voulu « régner comme un dieu sur l’Inde reconnaissante » (idem). Les arguments produits pour soutenir cette identification sont, de la part de Paul Johnson, très faibles :
  1. une extrapolation tendancieuse des quelques fragments des « Lettres des Mahatmas » qui évoquent la situation décadente de l’Inde ….
  2. les relations d’écrivain à éditeur (H.P.B. et Katkoff) ;
  3. les relations d’H.P.B., non pas avec le Prince Duleep Singh, mais avec quelques amis de ce dernier ;
  4. la présence du « vrai » Mahatma Kout Houmi à Amristar où ce dernier rencontre H.S. Olcott. A cette occasion, un argument plus que fallacieux est employé par Paul Johnson qui raisonne ainsi : si H.S. Olcott, dans un article ultérieur du Theosophist, ne nomme pas Takur Singh parmi des Sirdars du Temple d’Or… c’est précisément parce qu’il doit être là et que c’est le Maître. C’est ce type de « démonstration » que M. Algeo nomme « la logique d’Alice au pays des merveilles » (Cf. T.H. V, N°7, p. 244). Il fut un temps où le rationalisme avait davantage de nerf.
Paul Johnson suppose enfin que c’est à la suite d’une rencontre qu’H.P.B. aurait faite avec le « Mahatma-Takur Singh » en 1880, à Amritsar, que commence la production des « Lettres des Mahatmas » adressées à A.P. Sinnet. Il dit :
« Est-ce qu’H.P.B. a fait un arrangement avec un Alkali du Temple d’or, un Sikh du Penjab, lequel conduisit à la production des lettres de K.H. ? »
Rappelons, enfin, que le « vrai » Mahatma, cachemirien de naissance (Lettres des Maîtres de la Sagesse – T1 – lettre n° 21) écrivait ses lettres à partir du Tibet.

Compte tenu de ce qui précède, nous ne croyons pas à l’identification de Paul Jonhson au sujet du Mahatma Kout Houmi.

 


[1] Sardar ou Sirdar : titre désignant une personne de haut rang (noblesse héréditaire, chef de clan, haut officier militaire, etc.) en Inde, Pakistan ou Afghanistan.

« Identification » du Mahachoan

Paul Johnson reconnaît d’abord en l’éditeur russe Mikhail Katkoff un Maître supérieur au Mahatma Kout Houmi. Pour mémoire, Katkoff fut le premier qui incita Madame H.P. Blavatsky à écrire dans deux périodiques russes (le Russkiy Vestnik [Le Messager Russe] et la Moskovskiya Vedomosti [Gazette Moscovite]) des nouvelles telles que « Dans les cavernes et jungles de l’Hindoustan » ou « Au pays des montagnes bleues ». Rappelons ce que dit Paul Johnson au sujet de M. Katkoff :

« Il n’est pas improbable que Katkov lui-même soit un des Maîtres de la Théosophie… H.P.B. expliqua que « parmi le groupe d’initiés auquel son propre correspondant mystique (celui de Sinnett, K.H.) appartient, deux sont de race européenne et que l’un, qui est supérieur à ce Maître, est de cette origine, mi-slave dans cette incarnation, ainsi qu’il l’écrivit lui-même au Colonel Olcott à New York »

(op. cit., p. 133).

Paul Johnson démontre que Katkov fut bien au centre d’un réseau d’activité panslaviste et antibritannique, ayant quelques visées sur l’Asie. Il établit excellemment les accointances que cet éditeur, patriote, entretient avec quelques amis ou plutôt « relation » directes ou indirectes d’H.P.B. (op. cit. pp., 131-160 & 181-196). Toutefois, rien, dans la description du personnage Katkoff ne définit celui-ci comme un « initié » et moins encore un Adepte ayant quelque rapport avec l’Enseignement théosophique. Puis Paul Johnson — et c’est là encore l’instabilité de son jugement — identifie le Choan ou Mahachoan à Khem Singh Bedi.

Sir Baba Khem Singh Beda (ou Bedi) de Kullar (1830-1905) Photo © Lafayette Ltd., 179 New Bond Street, London.

H.P. Blavatsky décrit et situe en même temps le personnage :

« Ce dégoûtant Baba (Père) mène une existence de parasite à Rawalpindi, entouré de la vénération de milliers d’individus qui lui apportent, en offrandes volontaires, plus de deux lakhs de roupies (deux-cent mille) par an. Contrairement à la coutume et même à la loi des Sikhs, ce saint homme possède, à côté de sa femme, un harem entier ; quant aux offrandes de ses adorateurs zélés mais fort peu raisonnables, il les dilapide en compagnie des fonctionnaires anglais, des résidents et des percepteurs, dans des festivités démentielles, des chasses et des orgies de boisson. »

(loc. in op. cit., p. 80)

Est-ce qu’H.P. Blavatsky et a fortiori les Mahatmas auraient reconnu en ce bouffon lubrique le « Maître des Maîtres »… celui « aux yeux duquel l’Avenir se déploie comme un livre ouvert »… ? (Lettres des Maîtres de la Sagesse – T1 – lettre 16). Même Paul Johnson — qui donne cette citation — croit un moment voir son « identification » « partir en fumée » en relisant les lignes d’H.P.B. Mais ce doute est de courte durée : son personnage en ressort simplement empreint d’un « autoritarisme » tel que les Mahatmas (peureux ?) lui sont entièrement soumis… Le fait que Takur Singh (identifié au Mahatma Kout Houmi, sensé, donc vénérer son Supérieur hiérarchique…) dénonce violemment Khem Singh Bedi comme un traître n’attire pas suffisamment l’attention de Paul Johnson… A l’évidence, pour nous, Paul Johnson n’a pas identifié le Choan…

Les Maîtres et la création de la Société Théosophique

« Ce n’est qu’après sa création [de la ST] qu’elle [HPB] devint l’instrument choisi par les Maîtres connus de la Théosophie comme étant Morya, Koot Hoomi et Djual Kul »

Paul Johnson The Masters Revealed : Madame Blavatsky and the Myth of the Great White Lodge,(p.118).

C‘est en fait de 1851, puis au cours des rencontres suivantes avec le Mahatma Morya, à Londres, qu’H.P.B. date les indications qui lui sont fournies sur son rôle futur d’Agent de son Maître. Certes, le billet de 1851 (voir supra) ne comporte pas l’indication de sa mission. Cependant, de nombreux écrits ultérieurs commentent les conversations qu’H.P.B. a eues avec le Mahatma sur la nature des exigences de ce dernier.

Dans son enfance, elle [H.P.B.] avait souvent vu près d’elle une forme Astrale qui toujours semblait arriver au moment d’un danger et la sauver juste à l’instant critique. H. P. B. avait appris à regarder cette forme Astrale comme un ange gardien, et pensait qu’elle devait être sous Sa garde et sous Sa direction.

Alors qu’elle était à Londres en 1851, avec son père, le Colonel Hahn, elle se promenait un jour, lorsqu’à son grand étonnement elle vit dans la rue un Hindou de haute taille avec quelques princes hindous. Elle le reconnut immédiatement comme étant la personne qu’elle avait vue dans l’Astral. Son premier mouvement fut d’aller vers Lui pour lui parler, mais il lui fit signe de ne pas bouger et elle resta comme sous l’influence d’un charme tandis qu’il passait. Le lendemain elle vint dans Hyde Park pour faire une petite promenade afin de pouvoir être seule et libre de penser à son extraordinaire aventure. Levant les yeux, elle vit la même forme l’approcher, et alors Son Maître lui dit qu’il était venu à Londres avec les princes hindous pour une mission importante et qu’il avait désiré la rencontrer personnellement, parce qu’il voulait lui demander sa coopération pour un travail qu’il allait entreprendre. Il lui apprit alors que la Société Théosophique allait être formée et qu’il désirait qu’elle en fût la fondatrice. Il lui fit clairement entrevoir tous les soucis qu’elle aurait à endurer et lui dit aussi qu’elle devrait passer trois années au Tibet afin de se préparer à cette importante tâche. Après trois jours de sérieux examen et de conversation avec son père, H.P.B. se décida à accepter l’offre qui lui était faite et, peu après, elle quitta Londres pour se rendre aux Indes.

Confidences d’H.P.B. à C. Wachtmeister : «  La Doctrine Secrète et Mme Blavatsky » – Ed. Adyar – p. 85

P. Johnson considère-t-il tous les témoignages d’H.P.B. ou ceux de ses proches comme des mensonges lorsqu’ils sont contraires à ses conjectures? Nous verrons le document de 1851 systématiquement « oublié » dans son ouvrage.

En conséquence, s’il est vrai que les Mahatmas paraissent « officiellement » après la création de la S.T. comme les Inspirateurs de celle-ci, il n’en reste pas moins qu’H.P.B. multiplie, notamment auprès de sa famille, et dès son enfance, les allusions aux « Radja Yogi » qui dirigent sa vie. De plus, en ce qui concerne Djwhal Khul, il n’apparaît nulle part que celui-ci soit considéré, à cette époque du moins, comme un « Maître ». Dans les Lettres des Mahatmas, Djwhal Khul parle du Mahatma Kout Houmi comme étant son Maître, impliquant par là qu’il est lui-même un disciple (chéla) :

Je suis extrêmement occupé avec des préparatifs d’initiation. Plusieurs de mes chélas (Djoualkhoul parmi d’autres) s’efforcent d’atteindre « l’autre rive ».

Fidèlement vôtre.

K.H.

Lettres des Mahatmas – p. 235 (LETTRE N° XXV – Dernières additions aux notes sur le Devachan Reçue le 2 février 1883)

 

Diffamation d’Helena Petrovna Blavatsky par René Guénon

et Réponses…  
Guénon

René GUÉNON vers 1925 (1886-1951)

L‘œuvre de René Guénon se propose aujourd’hui encore comme référence à nombre de représentants de la pensée dite « traditionnelle », particulièrement en milieu maçonnique.

Son œuvre jouit d’un prestige qui tient à l’incontestable talent de l’écrivain mais, également, à une réputation d’exigence intellectuelle et d’éthique « traditionnelle », appuyées sur une érudition qui doit être révisée.

   

Séparateur

L’œuvre de René Guénon face à la Théosophie

Quels que puissent être certains mérites de l’œuvre de René Guénon, les pages qui suivent montreront que la réputation de « connaissance » et de « rigueur » qu’on attache à son nom est plus que surfaite. Il apparaîtra à chacun que cet auteur doit surtout l’étendue de son audience à la « docte ignorance » de ses fidèles, plus sensibles à l’aplomb de leur mentor que capables d’en contrôler les affirmations arbitraires et la qualification souvent douteuse. « Le Théosophisme – histoire d’une pseudo-religion », « Le Roi du monde » et vingt-six autres ouvrages prétendent introduire à une approche authentique de l’Ésotérisme, selon les critères de ce que l’on a nommé le « Traditionalisme ». Aucune œuvre n’est entièrement négative et celle de R. Guénon, notamment dans « Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps », charrie quelques pépites dans un dangereux torrent qu’alimente un élitisme suspectable des cousinages idéologiques les plus funestes de l’Entre-deux guerres de ce siècle. De cela, néanmoins, certains de ses émules prétendent le défendre, donc acte, sous réserve d’un plus ample débat. Seul nous importera ici le fait que cet auteur se soit employé à jeter un discrédit total sur la personne et l’œuvre de Mme Blavatsky. Il considérait celle-ci comme une figure emblématique de ce qu’il appelait avec mépris le « Néo-spiritualisme ». Ce terme dépréciateur désigne chez lui toute expression doctrinale qui s’éloigne d’un pas de l’une des grandes Traditions rattachées aux religions « révélées » (Judaïsme, Christianisme et Islamexcluant donc la Tradition spirituelle du Bouddhisme) et à leur ésotérisme propre, lequel devait être réputé « orthodoxe » par des représentants qualifiés. Le sens que l’Ésotérisme attribue au mot « Tradition » ne peut donc être celui auquel se réfère R. Guénon car la Tradition remonte à un Enseignement antérieur de millénaires à toute religions révélée, à toute forme de main mise de la part d’une caste sacerdotale susceptible de détenir, elle seule, la Vérité sur l’aspect plus caché de la religion considérée (cet aspect plus secret est ce que R. Guénon considère comme « l’Ésotérisme d ‘une religion), enfin à toute forme d’exclusion, notamment celle qui a trait au sexe et à la position sociale. René Guénon affirme que les critères qui lui permettent d’authentifier la « Tradition » sont passés au crible de son propre parcours spirituel et intellectuel, qu’il qualifie de rigoureux, embrassant des aspects aussi vastes que le Christianisme, l’Islam, l’Hindouisme et le Taoïsme, le tout assorti de son expérience personnelle de l’Initiation où, toutefois, ses reniements successifs passent pour un signe de sa haute intégrité. Que semblable prétention fût de nature à grandement impressionner « l’élite intellectuelle » s’explique par le fait que le domaine de la Tradition Initiatique est des plus mal connus et se trouve être, de surcroît, celui où la qualification est la plus difficilement contrôlable. L’idiosyncrasie guénonienne ayant néanmoins fait école, on peut désormais rencontrer chez nombre d’auteurs un souverain mépris pour tout ce que le « Maître » a désigné à leur vindicte. ll est opportun d’en donner un échantillon. Ainsi, après avoir mentionné les mises au point que René Guénon a apportées sur la notion de Théosophie « avec une indispensable rigueur », M. A. Faivre, auteur de l’article « Théosophie » de la première édition de l’Encyclopœdia Universalis, donnait, sous l’égide « guénonienne », le verdict suivant sur la doctrine de Mme Blavatsky, visiblement confondue ici avec celle de ses impossibles successeurs : « Une certaine idée, occidentalisée, du Bouddhisme, un intérêt marqué pour les phénomènes psychiques, une érudition fantaisiste et peu sûre, un délirant enseignement « réincarnationiste » ne suffisent pas à constituer une doctrine mais seulement un amas incohérent d’éléments trop souvent contradictoires ne pouvant séduire, en règle générale, que les gens de demi-culture. » Nous puiserons incidemment, dans cette même Encyclopédie que nous venons de citer, de quoi montrer que l’ignorance de René Guénon en matière de Tradition Orientale n’a d’égale que l’arrogance qu’il met dans les jugements qu’il porte au nom de celle-ci (le Pr Louis Renou[1] parlait déjà, à juste titre, des « élucubrations de René Guénon »). Quelques-unes de ses aberrations suffiront à le démontrer. Les charges retenues par R. Guénon pour discréditer Mme Blavatsky recouvrent l’éventail assez large de toutes les affirmations diffamantes dont on peut faire usage sans trop de crainte d’être démenti puisqu’il s’agit d’appréciations subjectives ou d’affirmations incontrôlables :
  • il tire le portrait moral d’un monstre de duplicité (Cf. Théos. chap. VI, VII et VIII, pp. 72-92) en se fondant sur les seuls éléments fournis par les seuls ennemis de Mme Blavatsky, notamment Solovioff, Barlet et Gaboriau ;
  • il affirme que Mme Blavatsky et le Colonel Olcott ont appartenu à une Société occulte dont ils ont été expulsés en 1878 et qui leur tenait lieu de « centre initiatique », il s’agit d’une certaine « Fraternité hermétique de Louxor » sur laquelle il se dit bien renseigné (Cf. Théos., pp. 19-27). Ceci est de l’ordre de l’incontrôlable. Nous avons vu combien peu probable est l‘affiliation du Colonel Olcott et de Mme Blavatsky à cette société dont le nom est, par contre, curieusement identique à celle dont ils font mention, identité qu’ils n’ont pas manqué de dénoncer comme une imposture ;
  • il s’attache à discréditer totalement la Doctrine Théosophique à travers plusieurs de ses ouvrages en dénonçant l’abus et le détournement des termes sanskrits et des notions traditionnelles que ceux-ci recouvrent. ;
  • du Rapport Hodgson, enfin, assorti du verdict de la Société de Recherche Psychique, il accepte en bloc toutes les conclusions. Celles-ci dépeignant H.P.B. comme un imposteur ayant fait usage de faux et utilisant des trucages en guise de démonstrations psychiques (Cf. Théos., chap V, pp 61-71).
Les preuves que les assertions de René Guénon sont erronnées doivent être maintenant dûment fournies. Voir « Les méprises historiques de R. Guénon », « La doctrine du Karma selon R. Guénon », « La doctrine du Karma selon les Textes orientaux », « René Guénon et le Bouddhisme Esotérique » et « La découverte des Sources de « La Doctrine Secrète ».
 

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[1] Louis Renou (1896-1966) – Sanskritiste français internationalement reconnu, Membre de l’Institut et Professeur à la Sorbonne, spécialiste éminent des études indiennes et orientales. Il est l’auteur de travaux dans le domaine indo-aryen ancien (grammaire, lexicographie, éditions et traductions de texte littéraires et religieux).