Une étrange prophétie …

Sur la formation de la Société Théosophique

Au milieu du XIXe siècle, un indien Tamil[1], homme de Dieu, poète et alchimiste, connu sous le nom de Chithambaram Ramalinga Pillay Avergal, parcourait l’Inde du Sud en enseignant, prêchant et chantant la Gloire du Divin. Il était crédité de quelques pouvoirs yoguiques, dont le plus curieux était sans conteste sa capacité à neutraliser les appareils photo. Aucun photographe n’avait jamais réussi à saisir la véritable image du Swami ; son visage, ses mains et ses pieds disparaissaient toujours de la plaque, laissant un halo blanc.
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Représentation symbolique de Chithambaram Ramalinga Pillay Avergal – (1823-1874) connu aussi sous le nom de Jothi Ramalinga Swami ou Vallalar Ramalingar
Le thème qu’il prêchait le plus vigoureusement était celui de la Fraternité Universelle. Il créa une Société pour mettre en pratique les Principes d’une telle Fraternité et propager les vraies doctrines Védiques. Mais, bien que de nombreuses personnes se soient assemblées autour de lui pour être témoins de ses miracles et obtenir quelques bénéfices de ses pouvoirs, elles ne  voulurent pas réellement mettre en pratique ces Principes de Fraternité qui faisaient appel à trop de sacrifices personnels, tels le bien-être ou la richesse. Peiné et peut-être déçu par cet échec, le Swami dit un jour à ses auditeurs qu’ils n’étaient pas dignes d’être membres de sa Société. Mais il leur assura qu’une vraie Fraternité existait. Elle était dans le lointain Nord de l’Inde, et ses Enseignements seraient en leurs temps étendus dans toute l’Inde et à l’étranger. Le Swami prophétisait que, quelques années après son propre trépas, une personne venant de Russie et une autre d’Amérique viendraient en Inde et lanceraient un mouvement pour l’identification et la compréhension de la Fraternité Universelle. D’autres étrangers les rejoindraient et aideraient à faire connaître les Grandes Vérités qu’il avait lui-même échoué à propager. Ce mouvement serait inspiré et stimulé par la Grande Fraternité du Nord lointain. Beaucoup de miracles seraient accomplis en Inde et les Doctrines seraient déployées dans le monde entier. Ramalingar Pillay, comme « une Voix criant dans le désert », parlait à cet effet de ses prophéties en maintes occasions. Le premier de ses nombreux disciples à les rapporter était un pandit Tamil du « Presidency Collège » de Madras qui écrivit un article sur Swami Ramalingar Pillay pour « The Théosophist » de juillet 1882. (Voir cet article traduit en français) Aussi intéressant que sa prophétie furent les conditions de sa mort. Durant un an ou deux il avait annoncé son intention d’entrer en Samadhi permanent. En janvier 1874 — soit neuf mois avant la rencontre de la Comtesse Helena Petrovna Blavatsky avec le Colonel Henry Steel Olcott[2]  destinés à l’accomplissement de sa prédiction — il mit son projet en œuvre. « Le 30 de ce mois (janvier), à Metucupam, nous avons vu notre Maître pour la dernière fois » écrit le pandit Tamil. « Choisissant une petite bâtisse, il entra seul dans la pièce et, après un adieu affectueux à ses chelas, il s’est étendu sur le tapis. Ensuite, selon ses ordres, la porte fut fermée et l’on mura l’unique ouverture ». Conformément à ses instructions, aucun de ses disciples n’essaya d’ouvrir la pièce. Mais après environ un an la porte fut forcée sur ordre des autorités britanniques. Rien ne devait être vu sinon une pièce vide. L’Administrateur en chef[3] du district, M.J.H. Garstin, I.C.S.[4], soupçonnant une grossière supercherie, ordonna une recherche approfondie dans la place. Mais aucune trace du vieux sage et saint poète n’a jamais été trouvée. « Les composants de son corps ont été rendus aux éléments originaux », dirent ses disciples. L’événement fut dur à accepter pour les deux fonctionnaires britanniques du secteur, Mr Garstin et le médecin militaire du district. Mais sans doute avaient-ils compris que la Loi scientifique, dans l’Inde populaire du XIXe siècle, se confond souvent avec le bon sens. Ils déclarèrent donc officiellement que Ramalingar Pillay était un très grand saint. Les rapports du district rapportent même que les deux fonctionnaires britanniques contribuèrent financièrement pour une cérémonie durant laquelle une foule de pauvres gens a été alimentée en l’honneur de sa mémoire.


[1] L’état du Tamil Nadu se trouve à l’extrême sud-est de l’Inde et avait pour capitale Madras au XIXe siècle (Chennai aujourd’hui). Le Tamil Nadu est sans doute l’État le plus typiquement hindou, car contrairement au nord de l’Inde, le sud a peu subi l’influence musulmane des Moghols en conservant son architecture dravidienne, témoignage de la richesse et de la puissance des dynasties qui s’y sont succédées au moyen-âge (Pallava, Chola, Pandya…). C’est également dans cette province, près de  Nilgiris, que se déroule le fameux récit d’H.P.B. « Au pays des montagnes bleues » qui évoque de mystérieux aborigènes « blancs », les Todas. [2] Ils se rencontrèrent le 14 octobre 1874 à Chittenden dans le Vermont aux États-Unis. Pour la petite histoire, il est intéressant de noter que Ramalingar Pillay disparut à l’âge de 51 ans dans la province du Tamil Nadu et que huit plus tard, en 1882 et à 51 ans, Mme Blavatsky et le Colonel Olcott, initialement établis à Bombay, s’installèrent à Madras pour y fonder le Siège international de la Société Théosophique dans le quartier d’Adyar. [3] Le titre exact de cette charge dans les Indes anglaises est Collector, fonction qui correspondait originellement au collecteur d’impôts [4] Covenanted servants, ou ICS désignait les fonctionnaires travaillant pour le Secrétariat d’État des Indes.

Les Maîtres orientaux

et la Formation de la Société Théosophique

La Société Théosophique naquit officiellement le 17 Novembre 1875 à New York. Elle fut fondée par plusieurs personnes dont Helena Petrovna Blavatsky, Henry Steel Olcott et William Quan Judge.

« Ce récit de l’origine et de la naissance de la Société est fort prosaïque et manque tout à fait du caractère sensationnel qu’on lui a parfois attribué. Mais il a le mérite de l’exactitude historique, car écrivant de l’histoire et non du roman, j’ai dû m’en tenir à ce que rapportent nos procès-verbaux et je peux prouver mes dires un à un. » (Cf. « Histoire authentique de la Société Théosophique » de Henry Steel Olcott — chapitres IX, Traduit de l’anglais par M. La Vieuville — Ed. Publications Théosophiques – Paris 1907).

La description de cet événement nous est donné par un des principaux Fondateurs, H.S. Olcott, dans « Old Diary Leaves ».

Une remarque s’impose : à la lecture des pages écrites par H.S. Olcott, il pourra apparaître à un esprit peu amène et critique à l’égard des Fondateurs que tout ceci ne fut qu’une improvisation assez inconséquente et que ce ne fut que plus tard — bien après 1875, donc — que s’élabora l’idée d’une « Mission », délivrée par les Maîtres aux dits Fondateurs, de créer pareille Société, devant porter tel nom, etc.

H.P. Blavatsky confia à la Comtesse Wachtmeister que lors de sa rencontre avec le Mahatma Morya à Londres en 1851, — vingt quatre avant, donc, la création de la Société Théosophique — ce dernier lui demanda sa coopération pour un travail. C. Wachtmeister écrit : « qu’il [le Maître] voulait lui [à H.P.B.] demander sa coopération pour un travail qu’il allait entreprendre. Il lui apprit que la Société Théosophique allait être formée et qu’il désirait qu’elle en fût la fondatrice. Il lui fit clairement entrevoir tous les soucis qu’elle aurait à endurer et lui dit aussi qu’elle devait passer trois années au Tibet afin de se préparer à cette tâche importante. Après trois jours de sérieux examen avec son père [le Comte Hahn, accompagnant sa fille à Londres] H.P.B. se décida à accepter l’offre qui lui était faite… » (« La Doctrine Secrète et Madame Blavatsky » de C. Wachtmeister -Ed. Adyar — p.85).

Au regard de ce qu’écrit le Colonel Olcott à ce sujet, il est patent que celui-ci ne voulût pas par trop s’étendre sur des motifs plus profonds, d’un ordre plus « occulte », ayant trait à cette Fondation qui semble si spontanée.

Par ailleurs, il sera intéressant de savoir que les Maîtres donnent au Disciple un « Plan Général », « une vue d’ensemble » du Message à délivrer, du travail à faire mais que, en ce qui concerne la mise en place de tout ceci, la forme dans laquelle se « coulera » le Message, le Disciple est totalement libre et… responsable.

Il ressort donc qu’un Plan de Travail existait dans l’esprit des Mahatmas mais que la forme par laquelle ce Plan se réaliserait restait de l’initiative d’H.P.B. : la formation de la Société Théosophique, par exemple; H. P. Blavatsky aurait pu écrire les ouvrages que nous connaissons et en rester là, quitte à les défendre ensuite par des articles ou par la création d’un journal non nécessairement lié à une Fraternité comme le furent « The Théosophist » ou « Lucifer ». Ce furent plutôt les circonstances qui dictèrent, ainsi que le compte rendu du Colonel Olcott le laisse voir, la formation de cette Société ; quant aux livres, ils furent écrits, nous avons assez de témoignages à ce sujet, sous l’égide des Adeptes ; toutefois, même en ce qui concerne ces écrits, la situation n’était pas fixée d’avance ; en effet, « La Doctrine Secrète » est une réponse aux réactions favorables qu’a suscitée dans le public la parution d’ « Isis Dévoilée » et il semblerait que ce fût à la fois cet accueil et cette faveur de l’Humanité envers la Connaissance qui incitèrent les Adeptes à aller plus loin dans l’ouverture partielle des Annales Occultes de notre planète. Ils voulurent donc « La Doctrine Secrète » : « Je n’ai pas entrepris de réécrire et de m’engager dans les ennuis de ce livre infernal pour ma douce joie… Le Maître ordonne et veut qu’il soit écrit et je le ferai… » écrit H.P.B. à A.P. Sinnet (Cf. Letters of H.P.B. to A.P. Sinnet, pp. 87-89). Quant au Colonel Olcott il confie à son journal du 9 janvier 1885 : « H.P.B. a reçu du Maître M. le plan pour La Doctrine Secrète. Il est excellent…. » (Cf. H.S. Olcott, op. cit.).

Toutefois, une fois créée, la Société Théosophique devient, pour les Adeptes, le vecteur de la divulgation de l’ancienne Théosophie (voir « Qu’est-ce que la Théosophie ? » et ceci est bien logique : le disciple choisit un mode d’expression pour accomplir le travail qu’Ils lui ont confié et une fois ce mode déterminé, Ils le soutiennent. D’ailleurs le Mahachoan dit « La Société Théosophique a été choisie pour constituer la pierre d’angle, le fondement des futures religions humaines. » (Lettres des Maîtres de la Sagesse — Ed. Adyar – t. 1 – p.13).

De fait, le « temps était venu » car, selon les injonctions de Tsong Kapa (XVe siècle), la Confrérie secrète d’Adeptes transhimalayens — nommée aujourd’hui « Grande Loge Blanche » — devait, au cours de chaque dernier quart de siècle, délivrer un Enseignement susceptible d’aider l’Humanité, par la Connaissance, à progresser spirituellement et à se délester, donc, de ses appétits matériels.

H.P. Blavatsky elle-même précise : «Pendant le dernier quart de chaque siècle, ces « Maîtres », dont j’ai parlé, font une tentative en vue de favoriser, d’une façon nette et marquante, le progrès spirituel de l’Humanité. Vers la fin de chaque siècle, vous trouverez invariablement un déversement d’énergies ou un bouleversement dans le sens de la montée dans le domaine de la Spiritualité ou, si vous préférez, du Mysticisme. À ces époques, une ou plusieurs personnes se révèlent dans le monde comme agents des Maîtres et on voit se répandre, sur une échelle plus ou moins grande, un Enseignement et une Connaissance occultes. Si vous en aviez l’envie, vous pourriez suivre la trace de ces mouvements en remontant de siècle en siècle aussi loin que s’étendent les annales historiques détaillées que vous possédez ». (Cf. « La Clé de la Théosophie » — Ed. Adyar – p. 319).

Que ce Message réussisse d’une part à passer au moment où il est délivré et, d’autre part, à porter ensuite ses fruits, là est vaste problème ! En effet, les « forces adverses », tapies au fond de l’inconscient humain, se galvanisent toujours pour faire obstacle à tout changement de sa propre nature ; par conséquent, l’Histoire montre qu’un décalage existe toujours entre le moment où le Message est délivré et celui où il commence à être accepté et utilisé par l’Humanité ; dans ce processus, la plupart du temps, l’Émissaire est mis en pièces…

Ce Message peut prendre la forme de la création d’une Organisation Occulte, ou bien d’une influence tendant à changer l’ordre politique, ou encore à délivrer publiquement un Enseignement. Nous pouvons considérer quelques exemples touchant les six derniers siècles :

  • dernier quart du XVe siècle : la Fraternité Rose+Croix, initiée par Christian Rozenkreutz en Allemagne en 1459 commence à émerger en Europe ; à la même époque, Theophrast Bombast von Hohenheim, dit « Paracelse » (Kabbaliste, Alchimiste, etc.) évite le bûcher et fonde la véritable médecine.
  • dernier quart du XVIe siècle : l’Europe des Hermétistes continue de s’organiser clandestinement et Giordano Bruno enseigne publiquement le Platonisme, réhabilite le Paganisme Antique et sa Sagesse et tente secrètement une marche armée sur Rome afin de détrôner l’imposture papale[1] ; nous savons comment il finit, emporté par les flammes du bûcher, par un sinistre jour de janvier 1600, au Campo dei Fiori à Rome.
  • dernier quart du XVIIIe siècle : le Comte de Saint Germain tente, en vain, d’inspirer à Louis XV des changements impératifs en matière politique ; cette tentative restera aussi vaine auprès de Louis XVI qu’il ne put rencontrer que de Marie Antoinette, qu’il rencontra mais qui ne le crut pas. A la même époque, soutenant ce Programme de Réformes, via les Loges Maçonniques, A. de Cagliostro tente, en vain aussi, de délivrer un Enseignement véritablement occulte à ces Loges ; dépassant les nécessités politiques du moment, sans les négliger, il essaie de montrer qu’un Savoir Ancien sous-tend toutes les Religions et que l’Égypte est, pour l’Occident, le berceau de sa Sagesse perdue. Comment tout cela finit-il ? Par une Révolution sanglante non voulue (les Réformes étaient voulues) et le rejet de tout Occultisme dans la Maçonnerie. Le premier, traité d’imposteur, disparut aux yeux de tous ; le second, torturé, enfermé dans un cachot, vit son honneur discrédité (un « imposteur », un « charlatan », etc.) et, ce qui est pire, le Message exclu. Toutefois, à partir de cette fin de siècle, les données changent, les mentalités se bouleversent : la Révolution a fait malgré tout son œuvre et les esprits ont soif de connaissances, voulant en finir avec l’obscurantisme ecclésiastique imposé dans les siècles précédents. La liberté politique gagnée ne peut que marcher avec la liberté de penser et d’apprendre. (Voir « Le Programme des Adeptes »)
  • dernier quart du XIXe siècle : il fallait reprendre le flambeau et continuer à enseigner à cette Humanité rebelle, victime de ses Institutions (l’Église qui persiste, la Science matérialiste qui pointe) et aussi des rejets suscités par son ignorance. C’est à ce moment précis de l’Histoire européenne que se situe « le Travail » des Maîtres confié à H.P. Blavatsky. Nous connaissons l’issue de ce Message : discréditée, l’Émissaire mourut alors que le grand public la traitait d’ « imposteur ». Reconnue pour ce qu’elle était vraiment par ceux qui la connurent de près, par les authentiques spécialistes en matière de Tradition occulte (le IXe Panchen Lama, Daisetz Teitaro Suzuki, le Lama Kazi Dawa Sandup, Eugène Burnouf, Mohandas Karamchand Gandhi[2], etc.) et par les scientifiques à l’esprit en quête de vérité (Camille Flammarion [astronome], Thomas Edison [inventeur], Gaston Maspero [égyptologue], Albert Einstein [physicien], Max Plank, Sir William Crookes [chimiste et physicien], etc. — Voir Helena Petrovna Blavatsky — Éléments biographiques), H.P. Blavatsky et son œuvre commencent — seulement en cette fin de XXe siècle ainsi qu’elle l’avait prédit — à être perçus du grand public.

Ce « Plan de Travail » des Maîtres consistait à délivrer :

  • d’abord une autre approche du Spiritisme
  • puis un Enseignement devant éclairer la pensée spirituelle de l’Occident sur des vérités occultes.

1° — Une autre approche du Spiritisme. Pourquoi commencer par le Spiritisme ? Parce que le phénomène de la mort sensibilise tout un chacun et nul ne peut rester indifférent devant la perte d’êtres chers et devant l’issue de sa propre vie. Savoir que l’être humain n’est pas uniquement un amas de chair, de viscères, d’organes, d’os et un flot de sang mais aussi un ensemble constitué d’une substance subtile — invisible — dont la subtilité d’ailleurs suit une gradation continue en ténuité, ce tout servant de support, de « véhicule » à l’Esprit Unique, voilà un message que ce XIXe siècle par trop positiviste devait entendre. En effet, depuis Lavoisier, la Science prit un cours matérialiste et la négation de l’existence d’un monde invisible devenait l’assise de toute pensée « sérieuse ». C’était faire peu de cas de la souffrance humaine face à ce néant noir qui devait s’ouvrir devant chacun, pensait-on, après la mort.

D’un autre côté, les séances spirites, très à la mode depuis le XVIIIe siècle, étaient, du point de vue occulte, de véritables nids de vipères : le médium ne savait pas vraiment ce qui lui arrivait, ce qu’il subissait ou non, qui se manifestait véritablement — quelle était « l’identité » réelle du revenant — au cours de la séance et ce qu’il advenait de sa propre énergie vitale et de celle des assistants. Les spirites, de plus, croyaient que le « royaume des morts » était l’authentique « royaume spirituel » avec toute la connotation positive que ce dernier adjectif implique. Ils s’ouvraient ainsi, sans le savoir, à de véritables impostures opérées par ces entités évoquées dont les messages étaient reçuscomme le Saint Sacrement…

Rassurer, par conséquent, ceux qui croyaient douloureusementen un néant post-mortem et enseigner aux spirites les rudimentsdes Sciences Occultes.

C’est ce que réalisa H.P.B. — ou tenta de réaliser — d’abord au Caire (où elle échoua) puis aux Etats Unis à partir de 1874 — avec succès, cette fois-ci — lorsqu’elle rencontra le Colonel Olcott à la ferme des Eddy. Une grande partie de leur travail, jusqu’en 1878, fut consacrée à cette partie du « Plan ».

2° — Un Enseignement devant éclairer la pensée spirituelle de l’Occident sur des vérités occultes.

L’éveil de la pensée occultiste, dès la fin du Moyen-Âge et pendant les siècles suivants, infusée par les Rose+Croix, les Alchimistes, les penseurs et théurges (commeG. Bruno, le Comte de Saint Germain et le Comte de Cagliostro,etc.), enfin par la publication de toute une littérature mi-souterraine qui attisait les esprits ( le XVIIIe siècle en fut friand ; que l’on songe au succès du livre de Montfaucon de Villars, « Le Comte de Cabalis »…), fit de la fin du XIXe siècle un terrain propice à l’émergence d’un Enseignement plus complet, plus « coordonnateur » des éléments épars et tronqués de l’Hermétisme occidental que celui-ci véhiculait depuis la mise à mort de la Sagesse Antique dès le IVe siècle de notre ère.

C’est ce que H.P.B. réalisa :

  • en créant avec le Colonel Olcott la Société Théosophique (1875) ;
  • en écrivant « Isis Dévoilée » (1877) ;
  • en enseignant la Doctrine Hermétique — à partir de 1878 — par des conférences aux Indes et des articles publiés dans un journal nouvellement créé « The Théosophist », puis dans « Lucifer » ;
  • en rédigeant son œuvre magistrale qui contient des révélations uniques sur l’Histoire occulte de l’Univers et de notre planète : « La Doctrine Secrète » ;
  • en poursuivant cet Enseignement aussi bien auprès de disciples que dans le Cercle privé, à Londres, un peu avant sa mort.

Dans une lettre conservée dans les Archives d’Adyar à Madras (Inde) datée du 24 février 1888, H.P. Blavatsky confie :

« C’est moi qui ai introduit la preuve de nos Maîtres au monde… Je l’ai fait parce qu’Ils m’ont envoyée pour faire le travail comme une expérience neuve au XIXe siècle et je l’ai fais aussi bien que je savais… ».

A l’instar, donc, de ses prédécesseurs des siècles passés, H.P.B. accomplit le « Travail » des Maîtres pour ce qui concerne son propre siècle et, à l’instar de ces mêmes prédécesseurs, elle subit injures, trahisons et calomnie. Si la « Sainte » Inquisition avait pu l’envoyer au cachot, sinon au bûcher, elle l’eût fait… mais ses contemporains se chargèrent de lui infliger la prison du ridicule et le bûcher de la calomnie.

« Les Grands Êtres vivent, rêvent, sentent au-delà du temps, par-delà l’Histoire, ce filet complexe d’événements dans lequel nous autres vivons prisonniers. La force de leurs sentiments élevés leur permet de « voir » au loin ce que nous autres osons à peine pressentir. Cette énorme différence de perspective rend difficile la communication entre « Eux » et « nous ». Et, cependant, nous avons besoin les uns des autres, d’une façon si intense et parfois si désespérée, que l’histoire des efforts que nous avons faits pour nous relier est remplie de faits mémorables. Peut-être que les pages les plus belles et les plus suggestives de la grande histoire de l’humanité ne furent, en réalité, que des épisodes plus ou moins heureux de ce dialogue mystérieux, bien qu’il n’apparaisse pas comme tel ou ne soit même pas mentionné. Helena Petrovna appartient à cette liste, heureusement longue, de personnages inspirés par la puissante Lumière de la Sagesse millénaire… »

(Maria Dolorès Fernandez-Figares, article écrit dans
« H.P. Blavatsky – Réflexions sur l’actualité de ses Enseignements ésotériques »
Ed. Nouvelle Acropole – 1991 – p. 127).

 


[1] Voir l’admirable ouvrage empli de références, dont de nombreux extraits du procès-verbal du procès de G. Bruno, de Frances Yates « Giordano Bruno et la Tradition Hermétique » – Ed Dervy-Livres.(11-4-3)
[2] Parlant de Mme Blavatsky, qu’il avait rencontrée à Londres où des théosophes lui avaient fait connaître la Bhagavad-Gîtâ (qu’il leur avoua à sa honte n’avoir jamais lue), M.K. Gandhi a rappelé à son biographe (Louis Fischer) qu’au début les chefs de file du Congrès étaient des théosophes, en ajoutant :

« La Théosophie est l’enseignement donné par Mme Blavatsky […]
C’est l’hindouisme dans ce qu’il a de meilleur »
.
Et par deux fois il insista : « La Théosophie, c’est la fraternité des hommes ».

Projet de Société Théosophique

relatée par l’un de ses fondateurs, Henry Steel Olcott[1]


Passons maintenant à l’histoire de la formation de la Société Théosophique et montrons ce qui en donna l’idée, quelles furent les personnes qui la fondèrent et comment furent définis ses objets. Car ceci est une histoire complète des débuts de la Société, ne l’oublions pas, et non une simple collection de souvenirs personnels sur H.-P.B.

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Le Colonel Henry Steel Olcott (1832 – 1907) en 1875

La discussion active du Spiritualisme et ensuite d’une partie des idées spiritualistes de l’Orient avait préparé les voies. Elle durait depuis la publication de mon rapport sur les Eddy dans le New York Sun du mois d’août de l’année précédente (1874) et son intensité avait décuplé depuis ma rencontre à Chittenden avec H.-P.B. et l’usage que nous faisions de la presse pour l’exposition de nos vues hétérodoxes. Les lettres piquantes, les rumeurs qui couraient sur ses pouvoirs magiques et nos affirmations réitérées de l’existence de races non humaines d’êtres spirituels, nous valurent la connaissance d’un grand nombre de gens intelligents épris d’occultisme. Parmi eux se trouvaient des savants, des philologues, des auteurs, des antiquaires, des ecclésiastiques d’esprit large, des hommes de loi, des médecins, des spiritualistes bien connus et un ou deux journalistes attachés aux journaux de la ville et trop heureux de pouvoir tirer de bonne « copie » de notre affaire. C’était, certes, chose audacieuse de se porter, au défi des préjugés publics, en champion de la légitimité scientifique de la Magie antique en cet âge de scepticisme. La hardiesse même de l’entreprise força l’attention du public, et son résultat inévitable fut de grouper ensemble tous ceux que la discussion avait sympathiquement rapprochés, en société de recherches occultes. L’essai de fondation du « Miracle Club » en mai 1875 avant échoué pour les raisons développées au chapitre I, une seconde occasion se présenta lors d’une conférence privée réservée à quelques amis que M. Felt donna chez H.P.B., 46 Irving place, New York, le 7 septembre 1875. Point d’échec cette fois : la petite graine d’où devait sortir le grand banian qui couvrirait le monde, fut plantée en bonne terre et germa. Je regrette qu’il n’existe pas à ma connaissance de mémorandum officiel des personnes présentes à cette soirée, mais le Rév. J.H. Wiggin, clergyman unitarien[2], publia dans le Liberal Christian du 4 septembre une note sur une réunion du même genre tenue la semaine précédente où je crois que la conférence de M. Felt fut annoncée pour le 7. Il y cite H.-P. B., moi-même, Signor Bruzzesi, un juge du New Jersey et sa femme et M. Charles Sotheran (qui l’avait fait inviter par H.-P.B.). Il montra sa surprise de l’étendue et de la profondeur de la conversation par ces réflexions.

« Il ne serait pas bienséant de rapporter dans ses détails une conversation intime où il n’entrait ni désir de publicité ni exhibition magique, ni de prononcer un jugement sur elle. L’élément phallique dans les religions, les dernières merveilles des médiums, l’histoire. l’âme des fleurs, le caractère de l’Italie, l’étrangeté des voyages, la chimie, la poésie, la triplicité dans la nature, l’Église romaine. la gravitation, les carbonari„ la prestidigitation, les nouvelles découvertes de Crookes sur la force lumineuse, la littérature magique furent quelques-uns des sujets de la conversation animée qui dura jusqu’à minuit. Si vraiment Mme Blavatsky peut faire naître l’ordre au sein du chaos du spiritisme moderne, elle rendra au monde un grand service. »

Le 7 septembre au soir, M. Felt fit sa conférence sur le « Canon égyptien des Proportions, maintenant perdu ». Il dessinait remarquablement bien et avait préparé une série de charmants croquis à l’appui de sa théorie que le canon des proportions architecturales employé par les Égyptiens aussi bien que par les grands architectes grecs était aujourd’hui conservé dans les hiéroglyphes des temples du pays de Kham. Il soutenait qu’en suivant certaines règles on pouvait dessiner sur le mur d’un certain temple ce qu’il appelait l’Étoile de Perfection, laquelle révélait le secret entier du problème géométrique des proportions ; et que les hiéroglyphes tracés autour de cette figure n’étaient destinés qu’à tromper la curiosité des profanes, car lus en même temps que ceux de l’intérieur de la figure, ils ne donnaient aucun sens, ou tombaient dans la banalité.

Le diagramme consistait en un cercle avec un carré inscrit et un autre externe, renfermant un triangle équilatéral, deux triangles, égyptiens et un pentagone. Il l’appliquait à toutes les images, statues, portes, hiéroglyphes, pyramides, plans, tombes et monuments de l’ancienne Égypte et montrait que les proportions correspondaient si bien que telle avait dû être leur règle. II appliquait le même canon aux chefs-d’œuvre de l’art grec et trouvait qu’ils avaient été ou auraient pu être construits sans modèle en l’observant. Feu le docteur Seth Pancoast, M.D., de Philadelphie, kabbaliste érudit, était présent ; il posa à M. Felt des questions précises pour voir s’il pouvait prouver pratiquement sa connaissance parfaite des pouvoirs occultes possédés par les vrais magiciens antiques, entre autres l’évocation des esprits dans les profondeurs de l’espace. M. Felt répondit catégoriquement qu’il l’avait fait et pouvait le refaire avec son cercle chimique. « II pouvait faire apparaître des centaines d’ombres ressemblant à la forme humaine, mais il n’avait pas reconnu de signes d’intelligence dans ces apparitions. « Je relève ces détails dans une coupure du temps classée dans le Scrapbook[3], I, sans le nom du journal, mais à son époque. Elle semble provenir du journal de M. Wiggin, le Liberal Christian.

Les théories et les illustrations de Felt étaient si attrayantes que S.W. Bouton, éditeur de livres symboliques, s’était engagé à publier son livre en 1.000 pages in-folio, avec d’innombrables illustrations et avait avancé une somme considérable pour les planches, les outils de graveur, les presses, etc., etc. Mais comme il avait affaire à un génie orné d’une nombreuse famille et abominablement inexact, cela traîna si fort qu’il perdit patience et, je crois, rompit avec lui. Le grand ouvrage ne fut jamais publié.

M. Felt nous dit dans sa conférence, qu’en faisant ses études d’égyptologie, il avait découvert que les anciens prêtres égyptiens étaient des adeptes de la science magique et avaient le pouvoir d’évoquer et d’employer les esprits des éléments et qu’ils avaient laissé leurs formulaires, lesquels il avait déchiffrés, essayés et qu’il avait ainsi réussi à évoquer les élémentals. Il consentirait à aider quelques personnes choisies à essayer par elles-mêmes son système et nous ferait voir à tous les esprits naturels dans une série de conférences payantes. Naturellement, nous lui votâmes des remerciements pour son intéressante conférence et une discussion animée s’ensuivit. Au cours de celle-ci, il me vint à l’idée que ce serait une bonne chose de former une société pour poursuivre et encourager de telles recherches occultes et après y avoir un peu pensé, j’écrivis ce qui suit sur un bout de papier :

Ne serait-ce pas une bonne chose de former une Société pour ce genre d’études et je le donnai à M. Judge qui se trouvait entre moi et H.-P.B. assise en face, pour le lui passer. Elle le lut et dit oui de la tête. Là-dessus je me levai et après quelques phrases préliminaires, j’esquissai le projet. La compagnie l’approuva, et quand M. Felt en réponse à notre demande dit qu’il voulait bien nous apprendre à évoquer et employer les élémentals, il fut décidé à l’unanimité qu’on formerait cette Société. Sur la proposition de M. Judge, on me nomma président et sur ma proposition M. Judge fut élu secrétaire de la réunion. Comme il était tard, on s’ajourna au lendemain soir pour agir officiellement. Les personnes présentes furent priées d’amener des amis susceptibles de se joindre à la Société proposée.

Comme je l’ai dit, il n’existe pas de rapport officiel du secrétaire de cette réunion, mais M. Britten cite dans Nineteenth Century Miracles (p. 296) une note publiée dans un quotidien de New York et reproduite dans le Spiritual Scientist, et je relève dans son livre les extraits suivants :

« Un mouvement d’une grande importance vient de commencer à New York sous la direction du colonel Henry Steel Olcott, c’est l’organisation d’une société qui s’appellera Société Théosophique. La proposition s’en est faite inopinément et sans avoir été préméditée à une soirée chez Mme Blavatsky le 7 courant, où un groupe d’environ dix-sept dames et messieurs étaient réunis pour entendre M. George Felt dont les découvertes des figures géométriques de la Kabbale égyptienne peuvent être considérées comme une des conquêtes les plus étonnantes de l’esprit humain. Plusieurs personnes de grande érudition et d’autres, occupant des situations influentes, faisaient partie de la société. Les éditeurs de deux journaux religieux, les co-éditeurs de deux magazines littéraires, un docteur ès lettres d’Oxford, un vénérable savant juif, voyageur de renom ; un rédacteur en chef d’un des journaux quotidiens de New York, le président de la Société spiritualiste de New York, M.C.C. Massey, d’Angleterre (avocat), Mrs Hardinge Britten et le docteur Britten, deux notaires de New York, en outre du colonel Olcott, un associé d’une maison de publication de Philadelphie, un médecin bien connu, et enfin plus célèbre qu’eux tous Mme Blavatsky, formaient le cercle des auditeurs de M. Felt… Dans un intervalle de la conversation, le colonel Olcott se leva et après avoir brièvement montré l’état actuel du mouvement spiritualiste, l’attitude de ses antagonistes, les matérialistes, le conflit irréconciliable entre la science et les sectes religieuses, le caractère philosophique des anciennes théosophies et leur valeur pour la réconciliation da tous les antagonistes, et le succès d’apparence sublime de M. Felt arrachant la clef de l’architecture de la nature à de misérables fragments d’anciennes légendes oubliés par la main dévastatrice des fanatiques musulmans ou chrétiens des premiers siècles, il proposa de former un noyau autour duquel pourraient se réunir toutes les âmes éclairées et courageuse, qui sont disposées à travailler à l’acquisition et à la diffusion de la vraie connaissance. Son plan était d’organiser une société d’occultistes et de commencer aussitôt à former une bibliothèque, et de vulgariser la connaissance de ces lois secrètes de la natursi familières aux Chaldéens et aux Égyptiens, stotalement ignorées de nos savants modernes. »

Ceci provenant d’une source extérieure et publié peu de jours après la réunion vaut peut-être mieux encore qu’un compte rendu officiel et montre sans réplique ce que j’avais dans l’esprit en proposant la formation de notre Société. Ce devait être une association chargée de récolter et de publier des connaissances, de poursuivre les recherches occultes, l’étude et la vulgarisation des anciennes idées philosophiques et théosophiques. Une des premières démarches devait être la fondation d’une bibliothèque. Il n’était pas question de Fraternité Universelle parce que la proposition de fondation surgit à propos du sujet de la discussion. C’était une affaire toute simple, prosaïque, sans accompagnement de phénomènes ou d’incidents extraordinaires. Enfin, pas trace d’esprit sectaire et une tendance nettement anti-matérialiste. Le petit groupe des fondateurs était de race européenne sans antagonisme naturel envers les religions, et ignorait les distinctions de castes. L’élément de Fraternité qui devait entrer plus tard dans la composition de la Société n’était pas prévu, mais quand notre influence s’étendit avec le temps jusqu’à nous faire entrer en relation avec des Asiatiques et avec leurs religions et leurs systèmes sociaux, il apparut comme une nécessité et même comme la pierre d’angle de notre édifice. La Société Théosophique a été une évolution et non une création délibérée — sur le plan visible tout au moins.

J’ai le procès-verbal officiel de la réunion du 8 septembre,signé par moi en qualité du Président, et par W.Q. Judge,secrétaire, et je vais le reproduire d’après notre journal:


« Sur la proposition du col. Henry S. Olcott de former une société pour l’étude et l’élucidation de l’Occultisme, de la Kabbale etc., les dames et messieurs alors présents se sont formés en assemblée et sur la motion de M. Will Q. Judge on a

« Résolu, que le col. H.S. Olcott serait président.

Sur une motion,

« Résolu, que M. W.Q. Judge serait secrétaire. Le président demanda ensuite les noms des personnes présentes qui voudraient bien fonder une telle Société ou en faire partie. Les personnes suivantes donnèrent leurs noms au Secrétaire

« Col. Olcott, Mme H.-P. Blavatsky, Chas. Sotheran, docteur Chas. E. Simmons, H.D. Monachesi, C.C. Massey, de Londres, W.L. Alden, G.H. Felt, D.E. de Lara, docteur W. Britten, Mrs E.H. Britten, Henry Newton, John Storer Cobb, J. Hyslop, W.Q. Judge, H.M. Stevens (tous présents, sauf un).

« Sur la motion de Herbert D. Monachesi, il fut

« Résolu, qu’un comité de trois membres serait nommé par le président pour préparer une constitution et un règlement et pour les apporter à la prochaine réunion.

Sur motion il fut

« Résolu, que le président serait adjoint au comité.

« Le président désigna ensuite MM. H. Newton, H.M. Stevens et C. Sotheran pour être membres de ce comité.

« Sur motion il fut

« Résolu, de s’ajourner au lundi 13 septembre au même endroit, à 8heures du soir. »


Donc la Société fut formée — et non fondée — par seize personnes, car sa fondation sur des bases stables fut le résultat de plusieurs années de travail et d’abnégation et pendant une partie de ce temps, H.-P.B. et moi nous fûmes seuls sur la brèche à creuser ces fortes fondations. Ou nos collègues nous quittèrent, ou ils se désintéressèrent, ou la force des circonstances les empêcha de donner comme ils l’auraient voulu leur temps et leurs efforts. Mais n’anticipons pas.

Quand cette partie de mon récit parut dans le Theosophist (novembre 1892) il s’y trouvait des portraits de plusieurs officiers de la Société auxquels les personnes que cela intéresse peuvent se reporter. La surabondance des matières de ce volume m’oblige à le condenser autant que possible. Cependant je vais conserver ma note sur M. Alden, à cause de l’histoire d’une de ses expériences occultes.

M. W.L. Alden, bien connu maintenant dans les cercles littéraires de Londres, était alors rédacteur en chef du New York Times et ses critiques humoristiques sur des sujets courants étaient très appréciées. Je l’ai rencontré récemment à Paris après bien des années de séparation et j’ai appris qu’il avait occupé d’importantes fonctions consulaires pour le compte du gouvernement américain. Il lui arriva à New York, au début de notre connaissance, une bien amusante aventure. II écrivait alors dans le New York Daily Graphic et moi aussi, mes lettres de Chittenden. Un tas de gens excentriques venaient dans le cabinet directorial poser des questions oiseuses et ils assommaient le directeur M. Croly, à ce point qu’il finit par publier une caricature qui le représentait aux abois avec un revolver et une énorme paire de ciseaux pour se défendre contre une irruption « d’hommes aux longs cheveux et de femmes tondues », tous spiritualistes.

Mais un matin, un homme âgé, vêtu comme un Oriental, se présenta portant un livre étrange et visiblement très ancien sous le bras. Après avoir salué les rédacteurs avec une grave courtoisie, il se mit à parler de mes lettres et du spiritualisme occidental. Tous quittèrent leurs pupitres pour l’écouter et se groupèrent autour de lui.

En parlant de magie, il se tourna tranquillement vers Alden dont personne ne soupçonnait les goûts occultes, et il lui dit :

« Croyez-vous à la vérité de la Magie, monsieur ? »

Un peu saisi, Alden répondit :

« Dame, j’ai lu Zanoni[4], et je crois qu’il peut bien y avoir quelque chose là-dedans. »

Sur leur demande, l’étranger montra son curieux livre aux rédacteurs. C’était un traité de magie écrit en arabe ou en quelque langue orientale avec de nombreuses illustrations dans le texte. Tous y prirent un vif intérêt, Alden surtout, qui demanda au vieux monsieur quand il partit de lui accorder un autre entretien. Celui-ci y consentit en souriant, et lui donna une adresse où le chercher. Quand Alden s’y présenta, il trouva un magasin de livres et d’images catholiques. Ainsi joué, mon ami, très inutilement, continua à scruter tous les gens qu’il rencontrait dans l’espoir de retrouver l’Asiatique mystérieux. M. Croly m’a dit qu’il ne reparut jamais aux bureaux du Graphic, on aurait dit qu’il était rentré dans une trappe.

Ce n’est pas une expérience rare que cette apparition et cette disparition de gens mystérieux qui apportent le livre voulu à l’homme qui en a besoin, ou qui le mettent sur le droit chemin tandis qu’il se débat bravement dans le marais mouvant des difficultés en poursuivant la Vérité. Bien des cas de ce genre sont racontés dans les histoires religieuses.

Parfois le visiteur se présente de jour, parfois dans une vision nocturne. La révélation peut venir par éclairs — Les éclairs de Buddhi sur le Manas — engendrant les grandes découvertes scientifiques, comme l’idée du spectroscope apparut soudain à Fraunhöfer, la nature des éclairs à Franklin, le téléphone à Edison, et dix mille autres grandes choses dans des esprits préparés et ouverts à la suggestion. Ce serait exagéré de prétendre que tous les aspirants à la science occulte peuvent compter sur une telle chance une fois dans leur vie, cependant je crois que le pourcentage de ceux à qui cela arrive est cent fois plus considérable qu’on ne pense.

C’est un malheur individuel si l’on ne sait pas reconnaître l’ange quand il se présente, ou si on le frôle dans la rue sans un frisson avertisseur, soit par suite d’idées fausses sur l’apparence d’un tel messager, soit par préjugé sur la manière dont le message devrait être délivré.

Je parle ici en toute connaissance de cause.

 

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[1] Tiré de « Histoire authentique de la Société Théosophique » par son président fondateur H.-S. Olcott – Traduit de l’anglais par La Vieuville – Livre 1 – Chapitre VIII, Page 116 et suivantes – Publications Théosophiques Paris 1907 – Titre original « Old diary leaves »
[2] Unitarien : Membre d’une secte protestante qui nie la Trinité
[3] Album composé de pages blanches où l’on peut coller des coupures de journaux, des photos ou prendre des notes. Ainsi se crée un livre, reflet et mémoire d’une expression personnelle, à l’usage de soi-même ou des générations à venir. Le Scrapbook d’H.P.B. fut publié après sa mort et a ainsi fourni quantité d’informations précieuses aux étudiants de la Doctrine Secrète et aux historiens de la Société Théosophique.
[4] Roman initiatique, ayant pour cadre le XVIIIe siècle, d’Edward Bulwer Lytton (qui appartint à une société occulte très fermée « la Fraternité de Luxor » et qui paraît bien avoir pratiqué lui-même la magie). Zanoni traduit parfaitement les conflits et les choix auxquels le néophyte se trouve confronté dans sa quête spirituelle, et l’angoisse du Maître devant le sacrifice que sa mission nécessite.

Formation de Société Théosophique

relatée par l’un de ses fondateurs, Henry Steel Olcott[1]

M . Felt continua l’intéressante description de ses découvertes, commencée le 8 septembre au meeting remis au 18 septembre 1875 et produisit un certain nombre de diagrammes en couleurs. Quelques personnes présentes dirent avoir vu la lumière trembler sur les figures géométriques, mais j’incline à penser que cela était dû moitié à l’autosuggestion, et moitié à ce que Felt avait dit de leurs propriétés magiques. Je ne vis certainement rien du tout d’occulte, ni personne d’autre, sauf une très petite minorité d’assistants. La conférence finie, on passa à l’ordre du jour ; je présidais, M.C. Sotheran faisait fonction de secrétaire. Le procès-verbal dit :

« Le Comité du préambule et du règlement annonça qu’il poursuit ses travaux et M. de Lara lit une note qu’il a été prié de rédiger pour le Comité. »

À la demande du Comité :

« Résolu : Que la Société prendrait le nom de Société Théosophique.

« Le président délégua le Rév. Wiggin et M. Sotheran pour rechercher un local convenable, plusieurs nouveaux membres furent admis et sur une motion il fut :

« Résolu que ces personnes seraient inscrites sur la liste des fondateurs. »

Après quoi la réunion fut ajournée sine die[2] pour se réunir de nouveau à l’appel du président. Le procès-verbal est signé par moi comme président et par le docteur John Storer Cobb, pour Ch. Sotheran, secrétaire. »

Le choix du nom de la Société fut naturellement l’objet d’une grande discussion au sein du Comité. On en proposa plusieurs, parmi lesquels, si je me rappelle bien, Société égyptologique, Hermétique, Rose-croix, etc., mais cela ne paraissait pas assez caractéristique. Enfin, en feuilletant un dictionnaire, l’un de nous tomba sur le mot « Théosophie » et après l’avoir discuté nous tombâmes unanimement d’accord que c’était le meilleur puisqu’il représentait la vérité ésotérique que nous cherchions à atteindre et qu’il couvrait en même temps le champ des recherches occultes de Felt.

On a raconté une sotte histoire d’un Hindou inconnu qui serait entré dans la salle du comité, aurait jeté un paquet scellé sur la table et serait ressorti, ou aurait disparu dans l’espace… le paquet une fois ouvert aurait contenu un projet de constitution et de règlement pour la Société, que nous aurions aussitôt adopté. Tout cela est pure absurdité : il ne s’est rien passé de semblable. De temps en temps des contes bleus de ce genre ont été mis en circulation à propos de nous, quelques-uns assez drôles, d’autres fantastiques, d’autres encore d’une improbabilité enfantine, tous parfaitement faux. J’étais un trop vieux journaliste pour prendre ces canards au sérieux. Sur le moment ils trompent quelques personnes mais à la longue ils sont inoffensifs.

En ce qui concerne le projet original de règlement, nous prîmes toutes les précautions voulues et nous préparâmes une série d’articles aussi satisfaisante que possible. On examina les règlements de divers corps constitués, et on trouva les meilleurs modèles dans la Société géographique américaine, la Société de statistique et l’Institut américain. Après ces préliminaires, on demanda à Mrs Britten de tenir la réunion suivante chez elle (n’ayant pas encore loué de local) et j’envoyai la notice suivante sur des cartes postales

SOCIÉTÉ THÉOSOPHIQUE

Le Comité du Règlement ayant terminé son travail, la Société Théosophique tiendra une réunion le samedi 16 octobre 1875, à 8 heures du soir, dans une maison particulière, 206, West Second street, pour élire et organiser ses officiers. Si M. Felt est en ville, il continuera à rendre compte de ses découvertes égyptiennes si profondément intéressantes. D’après le règlement proposé, les membres nouveaux ne pourront être élus qu’après trente jours de réflexion. Il est donc désirable que tout le monde assiste à cette première réunion.

Le soussigné adresse cet appel conformément au procès-verbal adopté par la réunion du 13 septembre.

Signé : Henry S. Olcott, président temporaire.

J’ai fait encadrer et je garde à Gulistan la carte postale même qui fut envoyée à H.-P.B. et je possède encore mon propre exemplaire.

Le procès-verbal cite comme présentes à cette réunion les personnes suivantes :

Mme Blavatsky, Mrs E.H. Britten, Henry S. Olcott, Henry J. Newton, Chas. Sotheran, W.Q. Judge, J. Hyslop, docteur Atkinson, docteur H. Carlos, docteur Simmons, Tudor Horton, docteur Britten, C.C. Massey, John Storer Cobb, W.L. Alden, Edwin S. Ralphs, Herbert D. Monachesi et Francesco Agromonte.

Le président, au nom du Comité du préambule et du règlement, lut le préambule, et M. Chas. Sotheran lut le règlement.

Le président présenta ensuite M. Massey qui prononça quelques paroles, puis, fut obligé de rejoindre le bateau qui allait l’emmener en Angleterre.

Ensuite vinrent des discussions et diverses propositions sur l’adoption du règlement et finalement le projet du Comité fut déposé et l’ordre donné de le faire imprimer. Puis on leva la séance. H.S. Olcott l’avait présidée avec J.S. Cobb comme secrétaire.

La séance préliminaire suivante se tint au même endroit le 30 octobre sur le rapport du comité du local, Mott Memorial Hall, 64., Madison avenue (situé à quelques pas de notre quartier général de New York récemment acquis) fut choisi pour le lieu des réunions de la Société. Le règlement fut lu, discuté et adopté avec cette réserve que le préambule serait revu et corrigé par H.S. Olcott, C. Sotheran et J.S. Cobb avant d’être publié comme préambule officiel de la Société.

On vota ensuite pour nommer les officiers, et Tudor Horton et le docteur W.H. Atkinson faisant fonction de scrutateurs, M. Horton proclama le résultat comme suit :

Président : Henri S. Olcott ; Vice-présidents : docteur S. Pancoast et G.H. Felt ; Secrétaire (correspondance) : Mme H.P. Blavatsky ; Secrétaire (archives) : John Storer Cobb ; Trésorier : Henry J. Newton ; Bibliothécaire : Charles Sotheran ; Conseillers : Rev. J.H. Wiggin, R.B. Westbrook, L.L.D. Mrs Emma Hardinge Britten, C.E. Simmons, M.D. et Herbert Monachesi ; Avocat conseil : William Q. Judge.

L’assemblée fut alors ajournée au 17 novembre 1875 pour entendre la lecture du préambule corrigé, le discours d’ouverture du président et pour la constitution définitive de la Société.

Au jour dit, la Société se réunit dans le local qu’elle avait loué ; le procès-verbal des séances précédentes fut lu et adopté, le président prononça son discours d’inauguration dont l’impression fut ordonnée. Des remerciements furent votés au président sur la proposition de M. Newton. Et la Société, maintenant constituée, s’ajourna au 15 décembre.

C’est ainsi que la Société Théosophique, conçue le 8 septembre, mise au point le 17 novembre 1875, après une période de gestation de soixante-dix jours, vint au monde et commença sa merveilleuse carrière altruiste per angusta ad augusta[3]. Dans le premier document imprimé, Préambule et règlement de la Société Théosophique on donna par inadvertance la date du 30 octobre, comme celle de l’organisation, tandis que, comme on vient de le voir, il eût fallu mettre le 17 novembre 1875.

Ce récit de l’origine et de la naissance de la Société est fort prosaïque et manque tout à fait du caractère sensationnel qu’on lui a parfois attribué. Mais il a le mérite de l’exactitude historique, car écrivant de l’histoire et non du roman, j’ai dû m’en tenir à ce que rapportent nos procès-verbaux et je peux prouver mes dires un à un. Par exagération d’enthousiasme mal placé qui a produit un déni de justice comme toute bigoterie tend à le faire, beaucoup de personnes ont été répétant que H.-P.B. seule avait fondé la Société Théosophique et que ses collègues n’y étaient pour moins que rien. Mais elle-même a vigoureusement répudié cette suggestion quand M. Sullivan l’avança en 1878. Répondant à un critique caustique, elle dit :

« Il parle de nous comme nos Maîtres » avec une ironie mordante. Eh bien je me rappelle fort distinctement que j’ai déclaré dans une lettre précédente que nous [elle et moi] ne nous sommes jamais présentés comme des « maîtres », mais que nous avons au contraire décliné tout rôle de ce genre — quoi qu’en ait dit dans son excessif panégyrique mon digne ami M. Sullivan qui non seulement veut voir en moi une prêtresse bouddhiste (!) mais encore et sans l’ombre de vérité, m’attribue la fondation de la Société Théosophique et de ses branches.

(Lettre de H.-P.B. publiée par le Spiritualist du 22 mars 1878).

H.-P.B. était bien assez remarquable par elle-même sans la couvrir de tant d’éloges inconsidérés ; et cette idée fixe de chercher un sens occulte à chacune de ses paroles ou à chacun de ses actes ne peut que tourner contre ceux qui l’ont, selon la loi générale naturelle d’action et de réaction. Les dévots ne pensent pas que plus ils lui attribuent de clairvoyance et d’infaillibilité, plus le monde lui demandera un compte impitoyable de tous ses actes, de ses erreurs de jugement, de ses inexactitudes et autres faiblesses que l’on ne blâme que modérément chez une personne ordinaire — c’est-à-dire non inspirée — parce qu’on les considère comme apanages de l’infirmité humaine. C’est un mauvais service à lui rendre que de vouloir la mettre au-dessus de l’humanité, sans faiblesses, taches ni défauts, car ses œuvres publiées, sans parler de sa correspondance privée, montrent assez le contraire.

Quoique mon discours d’inauguration ait été applaudi par ses auditeurs et que M. Newton, spiritualiste orthodoxe, M. Thomas Freethinker et le Rév. M. Westbrook aient fait voter son impression preuve certaine qu’ils ne le trouvaient pas déraisonnable d’idées et de ton — je le trouve tout de même un peu extraordinaire après dix-sept ans de rude expérience.

Pas mal de mes prévisions se sont réalisées, beaucoup, non. Ce que nous croyions être une base expérimentale solide, à savoir la démonstration de l’existence des races élémentales par M. Felt, tourna en désappointement et en mortification. Quoiqu’il ait pu accomplir tout seul en ce genre, il ne réussit à nous faire rien voir, pas le plus petit bout de la queue du plus petit esprit naturel. II nous rendit la risée des spiritualistes et des sceptiques de tous genres. C’était un homme de grand talent et il semblait avoir fait une découverte remarquable, qui paraissait même si probable que, comme je l’ai dit, un éditeur expérimenté, M. Bouton, risqua la forte somme pour publier son livre. Pour ma part, je crois qu’il avait fait les choses qu’il dit et que s’il avait voulu travailler systématiquement dans cette voie, son nom aurait acquis une grande notoriété. Ayant vu si souvent H.-P.B. se servir des élémentals ainsi que le signor B. en plusieurs occasions, et après ce que l’étranger mystérieux m’avait montré dans ma propre chambre, pourquoi n’aurais-je pas cru Felt capable d’en faire autant ? Surtout quand H.-P.B. affirmait qu’il le pouvait. De sorte qu’avec la témérité d’un pionnier et le zèle d’un enthousiaste et d’un optimiste incorrigible, je laissai la bride sur le cou à mon imagination, dans mon discours d’ouverture et fis un tableau enchanteur de ce qui résulterait des promesses de Felt — s’il les tenait. Heureusement pour moi que ce « si » est là et il aurait encore mieux valu l’écrire « SI ». Il obtint 100 dollars de notre trésorier Newton sous prétexte de payer les préparatifs de ses expériences, étant pauvre lui-même ; mais il ne nous montra point d’élémentals. Une lettre de lui fut lue au conseil du 29 mars 1876 où il disait « être prêt à remplir sa promesse de donner à la Société une conférence sur la Kabbale et où il annonçait les grandes divisions de son sujet ».

Sur quoi M. Monachesi proposa la résolution suivante qui fut adoptée :

« Le secrétaire sera chargé de faire imprimer et distribuer aux membres de la Société, soit la lettre de V.P. Felt, soit un syllabus[4] préparé par le dit Felt lui-même. »

(Extrait des procès-verbaux de la Société Théosophique, p. 15.)

La circulaire fut imprimée et diminua un peu le ressentiment général contre le manque de foi de M. Felt. Il donna réellement sa seconde conférence le 21 juin, puis nous abandonna de nouveau et je vois qu’au conseil tenu le 11 octobre, sur la proposition du trésorier Newton, on passa la résolution de charger M. Judge conseil légal de la Société, de lui demander de remplir son obligation au plus tôt. Mais c’est ce qu’il ne fit jamais. Finalement, il quitta la Société et quand il fut bien prouvé qu’on ne tirerait rien de lui, pas mal de gens disparurent à sa suite et nous laissèrent, nous qui cherchions autre chose que des apparitions sensationnelles, nous débrouiller comme nous pourrions.

Et nous eûmes bien du mal à nous débrouiller, comme le savent bien tous ceux qui travaillèrent avec nous. Nous voulions apprendre d’une façon expérimentale tout ce qui peut se savoir de la constitution de l’homme, de son intelligence et de sa place dans la nature. L’esprit surtout, en tant que volonté, était notre grand problème. Les mages orientaux l’emploient ainsi que les magnétiseurs et les psychothérapeutes occidentaux. Développé chez un homme, il en fait un héros ; étouffé chez un autre, il en fait un médium. Tous les êtres de tous les règnes et de tous les plans de la matière obéissent à son irrésistible pouvoir ; joint à l’imagination, il crée en donnant aux images mentales à peine conçues une forme objective. De sorte que malgré la défection de Felt et les obstacles qui hérissaient notre chemin, il nous restait bien des champs à explorer, et nous les explorâmes de notre mieux. Nos archives montrent des essais de médiums, d’expériences de psychométrie, de lecture, de pensée, de magnétisme ; nous écrivions et nous écoutions des mémoires. Mais les progrès étaient lents, car tout en voulant faire bonne figure, chacun de nous était secrètement découragé par le fiasco de Felt et il ne semblait pas qu’on pût le remplacer. Le signor B., qui savait faire pleuvoir, avait été mis à la porte par H.-P.B. après avoir vainement essayé de me brouiller avec elle ; mon inconnu au teint brun qui évoquait les élémentals n’avait pas reparu et H.-P.B. sur qui tout le monde avait assez naturellement compté, refusa de montrer l’ombre d’un phénomène à nos réunions.

De sorte que le nombre des membres allait diminuant et au bout d’un an tout ce qui surnageait était une bonne organisation, saine et solide par la base ; une notoriété un peu trop éclatante, quelques membres plus ou moins indolents, et un foyer indestructible de vitalité entretenu par l’enthousiasme des deux amis, la Russe et l’Américain.

Tous deux prenant la chose au sérieux, n’ayant jamais douté un instant de l’existence de leurs Maîtres, de l’excellence de leur mission et du complet succès qui devait finir par couronner leurs efforts. Judge était un ami loyal et plein de bonne volonté, mais trop jeune pour que nous puissions le considérer comme un troisième associé égal aux autres. C’était plutôt le benjamin de la famille.

Combien de fois le soir, à notre quartier général, après le départ de nos hôtes, n’avons nous pas ri, H.-P.B. et moi, du petit nombre de gens sur qui nous pouvions compter, tout en fumant une cigarette dans la bibliothèque avant d’aller nous coucher. On rappelait les jolies phrases et les aimables sourires des invités et l’égoïsme qui se montrait à travers leur masque transparent. Nous sentions par exemple chaque jour davantage que chacun de nous pouvait compter absolument sur l’autre pour la Théosophie, dût le ciel tomber sur nos têtes. Mais hors cela, tout dépendait des circonstances.

Souvent, nous nous appelions les jumeaux théosophiques ou la Trinité, en comptant le lustre sur nos têtes comme la troisième personne. On trouve de fréquentes allusions à ces plaisanteries dans notre correspondance théosophique. Et le jour où nous quittâmes définitivement notre maison démeublée de New York pour nous embarquer sur le vapeur qui allait nous emmener vers les Indes, nos dernières paroles furent un adieu solennellement comique au lustre « ami silencieux, illuminant et fidèle confident ». Nos ennemis ont dit souvent qu’en quittant l’Amérique nous ne laissions pas de Société Théosophique derrière nous et cela est vrai jusqu’à un certain point, car pendant les six années suivantes, elle ne fit pour ainsi dire rien. Le noyau social facteur le plus important d’un mouvement de ce genre était brisé, personne n’était capable d’en former un nouveau, on ne pouvait pas créer une autre H.-P.B. et M. Judge, le seul organisateur et directeur de l’avenir, avait été appelé par ses affaires professionnelles en pays espagnol.

Il faut dire à la décharge de M. Judge, du général Doubleday et de leurs collègues de la Société Théosophique primitive que nous avions laissés chargés de la Société en partant pour l’Inde, que la suspension d’activité qui suivit pendant deux ou trois ans fut surtout de ma faute. On avait parlé de transformer la Société en degré supérieur de franc-maçonnerie et ce projet était regardé favorablement par certains francs-maçons influents. J’aurai à revenir là-dessus plus tard ; pour le présent, il suffira de dire qu’on me demanda de préparer un rituel approprié et que cela devait être une de mes premières occupations en arrivant aux Indes. Mais au lieu d’y trouver le calme et les loisirs attendus, nous y fûmes aussitôt plongés dans un tourbillon d’intérêts nouveaux et de devoirs journaliers. Je dus entreprendre des séries de conférences, nous fîmes de longs voyages à travers le pays, le Theosophist fut fondé et il me fut tout simplement impossible de m’occuper du rituel, quoique j’aie encore plusieurs lettres du général Doubleday et de Judge se plaignant du retard et disant qu’ils ne peuvent rien faire sans lui. De plus, en prenant de l’expérience, nous nous convainquîmes que ce projet était impraticable : notre activité avait gagné en étendue et notre travail avait pris un caractère plus sérieux et plus indépendant. De sorte que, finalement, j’abandonnai cette idée ; mais, entre temps, Judge était parti et les autres ne faisaient rien.

M. Judge écrit de New York le 17 octobre 1879 — un an après notre départ — : « Nous avons reçu très peu de membres et nous attendons le rituel pour en recevoir d’autres, parce que ce serait un grand changement ». Mais, de notre côté, nous avions beaucoup travaillé pendant ces douze mois. Le général Doubleday écrit aussi le 1er septembre 1879 : « Quant à la Société Théosophique aux États-Unis,nous restons dans le statu quo[5] enattendant le manuel promis. » Il demande le 23 juin 1880 : « Pourquoi n’envoyez-vous pas ce rituel ? » Et M. Judge m’écrit le 10 avril 1880 : « Tout traîne ici. Pas encore de rituel. Pourquoi ? » Le 17 novembre 1881, Judge parti pour l’Amérique du Sud, son frère, qu’il avait chargé des affaires de la Société Théosophique, écrit que « rien ne marche et que la Société ne se mettra pas à l’œuvre tant que W.-Q. Judge, le général Doubleday et moi, nous ne pourrons pas trouver le temps et les moyens de la lancer », temps et moyens manquaient.

Enfin, car il est inutile de poursuivre cela plus loin, Judge écrit le 7 janvier 1882 : « La Société sommeille et ne fait rien de rien : votre explication pour le rituel est satisfaisante ». Cependant les lettres de M. Judge écrites pendant tout ce temps à H.-P.B., à moi ou à Damodar, montrent un zèle inaltérable pour la Théosophie et le mysticisme en général. Son plus grand désir était d’être un jour libre de donner tout son temps et toute son énergie à la Société. Mais comme le grain de trèfle enseveli sous vingt pieds de terre, germe et pousse quand, creusant un puits, les ouvriers l’amènent à la surface du sol, cette semence que nous avions plantée dans l’âme américaine entre 1874 et 1878 fructifia en son temps et Judge se trouva être le moissonneur de nos semailles. C’est ainsi que toujours le Karma suscite ses pionniers, ses semeurs et ses moissonneurs. La vie de la Société dépendait directement de nous, ses deux fondateurs, mais elle reposait en dernier ressort dans son principe fondamental et dans les Augustes Intermédiaires qui nous l’avaient enseigné et qui avaient rempli nos cœurs et nos esprits de la Lumière de leur Bienveillance.

Conscients tous deux de cela, et autorisés à travailler avec eux dans ce but, un lien plus fort que celui d’aucune parenté nous unissait étroitement, nous faisant passer sur nos faiblesses réciproques et supporter les frottements inévitables entre deux collaborateurs de personnalité si différente et tranchée.

Quant à moi, cela me fit rejeter comme choses de nulle valeur tous les liens sociaux, toutes les ambitions et tous les désirs. Sincèrement, du fond du cœur, je sentais et je sens encore qu’il vaut mieux être portier ou moins encore dans la maison du Très-Haut que de demeurer sous les tentes de soie que je n’aurais eu qu’à demander à un monde égoïste pour les obtenir. Ainsi jugeait aussi H.-P.B. dont l’enthousiasme infatigable était une source intarissable d’encouragement pour tous ceux qui l’approchaient. II était tout simplement impossible que la Société Théosophique pérît, tandis que nous étions prêts à faire tous les sacrifices pour notre cause.

On trouve dans les archives de ces premiers temps de la Société bien des choses qui intéresseraient les Théosophes.

Il fut résolu au 12 janvier 1876, sur la proposition de
J.-S. Cobb,

« que William A. Judge, conseil de la Société, serait invité à prendre part aux délibérations du conseil ».

A la même réunion, acte fut pris de la démission de M. Sotheran et M. J.-H. Newton élu à sa place. Et le conseil ordonna au secrétaire de soumettre à la prochaine assemblée régulière de la Société la résolution suivante que le conseil recommandait à son adoption :

« Que la Société adopte à l’avenir en principe le secret de ses procédures et transactions et qu’un comité soit nommé pour préparer un mémoire sur les moyens de procéder à ce changement. »

De sorte que, au bout de trois mois à peine — je croyais plus que cela — nous fûmes obligés pour notre défense de nous constituer en société secrète.

Au conseil du 8 mars 1876 sur la proposition de H.-P.B., il fut :

« Résolu que la Société adopterait un ou plusieurs signes de reconnaissance qui serviraient aux membres entre eux et d’admission aux réunions. »

Un comité de trois membres, dont H.-P.B., fut nommé par moi pour inventer et proposer des signes. Le cachet si typique de la Société fut en partie dessiné d’après un autre, très mystique, qu’un ami de H.-P.B. avait composé pour elle et qu’elle mettait sur son papier à lettres ; M. Tudor Harton en grava le bloc. Un peu plus tard, M. Judge et moi, aidés par d’autres, nous préparâmes un insigne de membre composé d’un serpent enroulé sur un Tau égyptien. J’en fis faire deux pour H.-P.B. et moi, mais ils finirent par être donnés à des amis. On a repris le joli et suggestif symbole récemment en Amérique.

Mais le peu qu’il y eut jamais de secret dans la Société — aussi peu et moins encore que n’en garde un franc-maçon — disparut après une courte période de nos jours d’enfance. En 1889, on en fit l’élément principal de la Société Ésotérique que j’instituai pour H.-P.B. et, je le dis à regret, avec autant de mauvais résultats que de bons.

 

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[1] Tiré de « Histoire authentique de la Société Théosophique » par son président fondateur H.-S. Olcott – Traduit de l’anglais par La Vieuville – Livre 1 – Chapitre IX, Page 128 et suivantes – Publications Théosophiques Paris 1907 – Titre original « Old diary leaves »
[2] « sans (fixer de) jour ». Renvoyer un procès sine die, c’est le renvoyer dans un futur hypothétique, sans fixer de date.
[3] Traduction littérale : A des résultats grandioses par des voies étroites. Cette locution est le mot de passe des conjurés au quatrième acte d’Hernani, de V. Hugo. Nous ignorons si ce dernier l’emprunta à un auteur antique…
[4] Liste de propositions émanant de l’autorité ecclésiastique
[5] Laisser les choses dans l’état actuel — de « statu quo ante » qui signifie littéralement: « la situation (où l’on était)auparavant ».

La thèse de Paul Johnson

sur l’identification des Maîtres de H.P. Blavatsky

 

K. Paul Johnson, un auteur américain, prétend identifier les Maîtres de Mme Blavatsky dans un ouvrage paru en 1990 sous le titre « A la recherche des Maîtres : derrière le mythe occulte » (Johnson Paul, In Search of The Masters : Behind the Occult Myth, P. Johnson, 1990). Il précise qu’il s’agit pour lui de procéder à une véritable « démystification » des Maîtres en leur attribuant respectivement les noms de personnages plus ou moins en vue qu’a rencontrés, voire fréquentés, H.P.B. au cours de sa vie.

Johnson Paul

The Masters Revealed : Madame Blavatsky and the Myth of the Great White Lodge

Dans un second livre, reprenant le même thème, paru en 1994 sous le titre « Les Maîtres révélés : Madame Blavatsky et le Mythe de la Grande Loge Blanche (Johnson Paul, The Masters Revealed : Madame Blavatsky and the Myth of the Great White Lodge, Albany : State University of New York Press, 1994), Paul Johnson poursuit sa première démarche jusqu’à présenter la Grande Loge Blanche comme une pure invention — un Mythe — de la part de la Fondatrice de la Société Théosophique. En effet, selon lui, puisque l’identification (faite dans le premier ouvrage) révèle des êtres aussi vulnérables que n’importe quel être humain et qui ne font pas montre de « pouvoirs » exceptionnels, la Confrérie d’Adeptes transhimalayenne, dotée d’un avancement suprahumain dans le domaine des connaissances et des capacités consciencielles, n’existe pas. Un des meilleurs spécialistes de Mme Blavatsky, John Algeo, fit une critique (Algeo John, Review Essay, K. Paul Johnson’s The Masters Revealed, T.H., V, N°7, pp. 232-247) de ce second ouvrage lors de laquelle il développe des arguments fondamentaux qui battent en brèche les conclusions de P. Johnson, tant au plan de la méthode que celui de la documentation que cet auteur déploie. Nous reprendrons quelques unes de ses analyses et en fournirons d’autres, notamment sur le premier titre.  

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La méthode de Paul Johnson

 

La méthode qu’utilise P. Johnson pour « prouver » l’identité des Maîtres puis la non existence de la Confrérie des Adeptes transhimalayenne, s’articule sur une subtile mystification du lecteur. Celle-ci s’organise au cours des pages, subrepticement, et prend le lecteur, tel un pêcheur dans son filet, par les procédés suivants :

  1. Il utilise le sérieux d’une documentation historique — démontrant de ce fait au lecteur le caractère « authentique» de sa démarche — pour asseoir ensuite, sans justification, la crédibilité de l’identification qu’il fait du Maître à tel individu.
  • Paul Johnson fournit, en effet, une excellente et très riche documentation sur le contexte historique et les personnage qui ont approché H.P.B. Ceci est remarquable notamment en ce qui concerne l’Initiation Soufie de la Fondatrice de la S.T., les accointances maçonniques de cette dernière et les liens l’unissant — à travers une Loge Occulte Egyptienne — aux Carbonari et à la Maçonnerie de la lignée de Cagliostro. Il offre, par ailleurs, une très bonne étude de personnages comme Charles Sotheran, Christopher Mackenzie et Albert L. Rawson. Le lecteur rencontre ainsi, par des récits basés sur des textes détaillés et référencés, le contexte des entreprises occultes auxquelles se trouvent présents tous les noms, notables ou discrets, de l’aventure spirituelle d’H.P.B., retracée dans les biographies de celles-ci.[1]
  • Une fois cette documentation éclairante posée, P. Johnson attribue un nom parmi ceux des personnages rencontrés par H.P.B. et figurant dans celle-là, à un Mahatma, sans qu’apparaisse alors une justification quelconque. Le sérieux de l’approche s’estompe dès qu’il s’agit de l’identification des Maîtres. Peu ou pas d’arguments susceptibles d’être retenus par un historien digne de ce nom n’étaie cette identification.
  1. Son discours relatif à l’identification des Maîtres, d’hypothétique — donc incertaine — devient très vite une « découverte » prouvée, fondée sur une contradiction. Il juxtapose ainsi une affirmation péremptoire à une incertitude initiale, procédé qui sera suivi tout au long de sa « démonstration ».
  • Il mélange, dans sa rédaction, l’affirmation d’une réalité certaine constatée par lui (le mode réel – indicatif) et l’incertitude liée à l’emploi du mode hypothétique (conditionnel) ; dans ce discours, haché d’assertions péremptoires et de doutes, le lecteur finit par retenir non pas l’identification elle-même (puisqu’elle fluctue) mais « une » identification que l’auteur, eu égard au sérieux de sa documentation, a certainement opérée.
  • Il ne cesse d’ailleurs d’affirmer au lecteur qu’il ne propose que des hypothèses puis, dans les pages qui suivent — sans doute le lecteur est-il trop stupide pour s’en souvenir — il assène des affirmations péremptoire qui, selon lui, sont de véritables découvertes historiques.
  • Il attaque ensuite sa démonstration par les termes : « il semblerait que »… « il est possible que.… », expressions qui expriment le manque de certitude imposée par la fragilité de l’argumentation au moment de sa présentation — fragilité dont l’auteur semble alors bien conscient — puis, au sein d’une documentation très riche qui éparpille l’attention du lecteur mais qui n’apporte aucune démonstration supplémentaire, il affirme, sûr de lui : « il est en réalité… » ; « il était la clé d’une conspiration internationale… » (Johnson Paul, In Search of The Masters : Behind the Occult Myth, P. Johnson, 1990, p. 180) ; ou, en synthèse : « Cette recherche a conduit à une série de découvertes inattendues qui permettent de prouver une fois pour toute la réalité des Mahatmas… » (op. cit, p. 118) — Il s’agit, bien entendu, des Mahatmas identifiés par l’auteur et non ceux de Mme Blavatsky.
  • Paul Johnson propose avec un certain doute une approche d’identité : « Il n’est pas improbable que Katkov lui-même soit un des Maîtres de la Théosophie… » (op.cit.p.133 – c’est nous qui soulignons). Puis, trois lignes plus loin, il affirme: « Que Mikhail Katkoff fut, en un sens, le supérieur de K.H. dans un groupe d’initiés sera démontré dans les chapitres qui suivent. » (op.cit.p.133 – c’est nous qui soulignons). Mais dans les chapitres qui suivent, rien n’est démontré !
  • L’incertitude de Paul Johnson sur l’identification qu’il propose est patente : il affirme, par exemple qu’il reconnaît le Mahatma Morya en ce révolutionnaire italien, Mazzini, puis, des chapitres après, il identifie ce même Maître au Maharadja Ranbir Singh.
  • Dans cet ordre d’idée, J. Algeo — un des meilleurs spécialistes actuels de Mme Blavatsky, avons-nous dit — précise, à propos de l’identification du Mahatma Morya : « Il n’y a pas d’évidence claire mais un paragraphe (136), qui tente de faire les connections nécessaires, comporte les formulations suivantes : « Il n’est pas invraisemblable… il peut avoir… il semble possible que… peut-être… aurait fait… pourrait avoir trouvé… pourrait avoir été… » Plus loin dans le chapitre, Johnson parle des « hommes identifiés plus haut comme les Mahatmas ». C’est ainsi qu’une éventuelle possibilité se trouve magiquement transformée en certitude ». (Theosophical History, V, N°7, p. 241 – c’est nous qui soulignons).
  1. Le discours de Paul Johnson s’appuie sur des contradictions et des ambiguïtés
Il reconnaît que dans la « réalité occulte » ou « spirituelle » qu’il se propose de cerner il existe des faits « inaccessibles à la recherche historique » — donc, en bonne logique, inaccessibles aussi pour lui — mais cette prise de conscience ne l’empêche pas de se déterminer implicitement, pour le point de vue de la « mystification » car il affirme avec assurance que :
  1. «…[H.P.B.] fit un mythe (mythologised) de sa recherche des Maîtres, de telle sorte que sa véritable quête demeurât secrète » (op. cit., p. 4).
  2. il n’existe pas d’autre réalité, derrière le jeu de masque employé par H.P.B. pour voiler l’identité des Adeptes réels, que des figures politiques et religieuses dépourvues de la transcendance spirituelle que leur prête leur « disciple ». (tout le discours de son second ouvrage : « The Masters Revealed : Madame Blavatsky and the Myth of the Great White Lodge, Albany : State University of New York Press, 1994).
Quelle transcendance spirituelle possède Paul Johnson qui lui permette d’en détecter le manque chez autrui ?
  • Son discours, par l’emploi d’expressions révélant l’incertitude — nous venons de le voir — est en totale contradiction avec l’assurance, pleine de présomption, de ses découvertes : « Cette recherche [la sienne] conduit à une série de découvertes inattendues qui permettent de prouver une fois pour toute la réalité des Mahatmas indiens de HPB : Morya, Koot Hoomi et Djual Kul. » (op.cit. p.118 – C’est nous qui soulignons).
  • Il affirme un fait qu’il contredit par une autre affirmation à la page suivante ! Il dit, en effet : « L’histoire de la première rencontre de la jeune Helena avec son Maître [le Mahatma Morya] à Londres en 1851, n’a jamais été confirmée. » (op.cit.p.134). Soit. Mais il ajoute plus loin : « …cette histoire [la rencontre à Londres avec le Mahatma Morya] est en fait basée sur la rencontre de Blavatsky avec Giuseppe Mazzini qui était exilé à Londres… » (op.cit.p.135 – c’est nous qui soulignons). Le lecteur, s’il a retenu la négation de quelque rencontre que ce soit avec un Maître — peu importe son identité réelle — formulée à la page 134 du livre de Paul Johnson, s’étonne de ce qu’une page après il y eût bien eu une rencontre avec ce même Maître — identifié à Mazzini par l’auteur !… P. Johnson confond, en fait, dans sa recherche, la réalité d’un événement — une rencontre a-t-elle eu lieu ? — avec la réalité d’une identité, celle de la personne rencontrée — c’était Mazzini, ou bien Morya ou bien encore X… !
  • Paul Johnson, oubliant sans doute Mazzini, n’hésite pas, quinze pages après, à affirmer la découverte de l’identité du Mahatma Morya : le Maharadja du Cachemire, Ranbir Singh ! (op. cit.p. 150).
  • J. Algeo souligne l’ambiguïté du tout discours de P. Johnson : « Johnson, en fait, ne définit jamais clairement sa thèse et semble fluctuer entre les deux versions de celle-ci. Parfois il s’exprime comme si Ranbir Singh était réellement un Instructeur dirigeant Blavatsky et pour lequel elle employait le pseudonyme « Morya ». À d’autres moments il écrit comme si « Morya » était une fiction modelée sur Ranbir Singh.» (T. H., p.239)
  • Pareillement, dans cette affirmation précitée (« Elle [H.P.B.] fit un mythe (mythologised) de sa recherche des Maîtres, de telle sorte que sa véritable quête demeurât secrète » (op. cit., p. 4).), nous ne savons pas si le fait de créer un mythe, par H.P.B., est un argument favorable à celle-ci eu égard à l’élévation — supposée — de sa quête secrète , ou si l’ensemble de l’appréciation est entièrement préjudiciable à la Fondatrice de la S.T.

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[1] Biographies suivantes :

  • « La Vie extraordinaire d’H.P. Blavatsky » de A.P. Sinnet(Ed. Adyar – 1ère de 1886) ;
  • « La Doctrine Secrète et Madame Blavatsky » de C. Wachtmeister (Ed. Adyar – 1ère de 1893 / Narration quasi quotidienne par un témoin oculaire de la manière dont H.P.B. écrit sa Doctrine).
  • « A la recherche de l’Occulte » de H.S. Olcott (Ed. Adyar – Sous ce titre a été traduit en français le premier volume de « Old Diary Leaves » du Colonel Olcott (Ed. ) ;
  • « Helena Petrovna Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de N.R. Nafarre (Ed. Nafarre – 1992 & 1995),
  • « The Extraordinary Life and influence of Helena Blavatsky, Founder of the Modern Theosophical Movement » de Sylvia Cranston – Ed. P. Putman’s Sons, New York – 1993 en anglais uniquement).

Une approche initiale partisane

Paul Johnson utilise des documents — soit neutres (historiques) — soit délibérément hostiles à Mme Blavatsky

 

Malgré l’intégrité d’historien qu’il prétent donner à sa démarche, il n’a jamais consulté pour la rédaction de ses ouvrages des sources favorables à Mme Blavatsky ou des écrits de témoins directs de la vie de celle-ci (A) ; il a opéré une selection partiale dans certaines autres (B). L’a priori hostile à Mme Blavatsky éclate de façon patente dans sa tentative d’idientifier les Maîtres de cellec-i.

A – Les sources manquant à la documentation de Paul Johnson
  • les sources dites « de premières mains », celles rédigées par les témoins occulaires des faits et gestes de Mme Blavatsky :
  1. « Old Diary Leaves » de H.S. Olcott en 4 volumes : un journal minutieusement tenu au fil des années ;
  2. « La vie extraordinaire de Mme Blavatsky » de A.P. Sinnett ;
  3. « La Doctrine Secrète et Mme Blavatsky » de Constance Wachtmeister ;
  4. les « Lettres à A.P. Sinnet » de Mme Blavatsky ;
  5. les compte rendus épars de ses proches (sa sœur, sa nièces) ou de ceux qui la rencontrèrent (les Guébhard en Allemagne, ou du Dr Hübbe Schleiden).
Témoignages qui concordent tous en faveur de l’Initiée russe…
  • les sources que H.P.B. donne elle-même au sujet du Kiu-Té. Ce texte himalayen secret qui fonda l’Enseignement qu’elle divulgua : la référence au jésuite T. Della Penna qui publia en 1730 (et republié à Paris dans le Nouveau Journal Asiatique en 1835) le récit de son voyage au Tibet, faisant état — dès le XVIIIe siècle donc ! — d’un livre sacré appelé Kiu-Té.
  • les documents de « réhabilitaion » d’H.P.B. :
  1. le Rapport du Dr Harrison d’avril 1986, expert en graphologie, membre de la Société de Recherche Psychique de Londres, reniant le contenu infamant à l’égard d’H.P.B. du Rapport Hodgson de 1886 ;
  2. les travaux de l’éminent Tibétologue David Reigle, effectués sur les rouleaux portant inscrits des textes sacrés, rescapés du Tibet suite à l’invasion chinoise, découverts en 1981, qui concluent en cette phase magistrale : « Depuis l’identification évidente des Livres de Kiu Te (rGyud-sde) comme étant les Tantra bouddhistes tibétains, en 1981, je me suis longtemps douté que le « Livre de Dzyan », duquel les Stances de « La Doctrine Secrète » étaient traduites, pouvaient être le Mûla (Racine) Kâlachakra Tantra perdu. » (D. Reigle, « Light on the Dzyan : Kalachakra », Symposium on H.P.Blavatsky’s Secret Doctrine, Proceedings Sat. & Sun. Juillet, 21-22, 1984, Wizard Bookshelf, San Diego, California.) Les ouvrages de D. Reigle que Paul Johnson ne consulta pas sont, notamment :
  • « The Books of Kiu te – or the Tibetan Budhists Tantras – a Preliminary Analysis » (Wizards Bookshelf, San Diego, 1983) ;
  • « Light on the Dzyan : Kalachakra », Symposium on H.P.Blavatsky’s Secret Doctrine, Proceedings Sat. & Sun. Juillet, 21-22, 1984, (Wizard Bookshelf, San Diego, California. 1984).
  1. L’existence, grâce à leur récente découverte, de ces rouleaux transhimalayens, dont le contenu est la perpétuelle référence d’H.P.B. et de ses Maîtres — transhimalayens aussi, donne tout crédit à celle-ci sur la véracité de ses dires.
  2. Le jugement laudatif qu’ont porté sur H.P.B. et sur l’œuvre de celle-ci des Maîtres reconnus de la Spiritualité Orientale (le IXe Panchen Lama, D.T. Suzuki, le Lama K.Dawa Sandup, etc.) qui, eux, avaient la capacité de cerner « la réalité occulte » (ce que P. Johnson ne se reconnaît pas !)
Paul Johnson, en sa qualité d’historien et aux fins d’asseoir des « découvertes » sur des bases documentaires solides, devait — c’était une obligation — consulter TOUTES les sources relatives au sujet qu’il se proposait de traiter. Il avait à sa disposition — et à cette fin — les sources plus récentes, celles qui parurent au cours du XXe siècle pour ce qui concerne les éloges d’Initiés orientaux et celles véritablement contemporaines : les travaux du Tibétologue David Reigle (1984) et le Rapport Harrison de 1986. Pourquoi Paul Johnson ne jette pas un regard sur des documents précieux, concernant le sujet qu’il traite, parus respectrivement six et quatre ans avant la rédaction de son propre ouvrage ? Cette négligence est, dans ce débat, inexcusable[1]. B – Une sélection partiale a été faite dans certaines sources 
  • les sources d’écrits contemporains à celle-ci, (« les Lettres des Maîtres de la Sagesse et les Lettres des Mahatmas » qui fourmillent de détails précis, de dates, de précisions de lieux, etc. éclairant indéniablement l’aventure spirituelle d’H.P.B. ; Paul Jonhson choisit des éléments tronqués susceptibles de conforter ses thèses sans même prendre en considération le vaste contenu de ces lettres.
La démarche a priori hostible à Mme Blavatsky éclate de façon patente dans sa tentative d’idientifier les Maîtres de celle-ci.  

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[1] La lacune ou négligence de Paul Johnson n’empêchèrent pas ce dernier de s’étonner amèrement de ce que N. R. Nafarre dans son livre « H.P.Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » ne fît pas mention de son ouvrage. N.Nafarre n’avait pas connaissance du livre de Paul Johnson en 1991-92 lorsqu’il rédigeait le sien ; il répara cette « erreur » non seulement en le citant dans la 2e édition de son titre (1995) mais en ajoutant un Appendice (Appendice III – P.P . 618-632) en réponse aux thèses de Paul Johnson, Appendice que nous avons repris ici en le pésentant différemment.

Djwhal Khul et la Théosophie

  Paul Johnson dit que ce Maître était indien. En réalité, il était Tibétain. Il vivait près de Shigatsé, aux côtés de son Maître, le Mahatma Kout Houmi. Il n’aurait donc pu être près de ce dernier si ce Mahatma était — comme l’identifie P. Johnson — Thakar Singh Sanshanwalla, vivant à Amristar. (Cf. Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar 1990 – p. 77, 99, 156, 209, 213, 235, 314, 348, 351 à 354, 363 et 415). Voici les extraits mentionnés : Lettre n° XI – septembre 1882 – p. 77

[…] La valeur philosophique de Schopenhauer est si bien connue dans les pays occidentaux qu’une comparaison de ses enseignements sur la volonté, etc., avec ceux que vous avez reçus de nous ou le fait qu’ils s’impliquent mutuellement peut être instructif. Oui, je suis tout disposé à voir vos 50 ou 60 pages, et à les annoter dans les marges : rédigez-les de toute façon et envoyez les moi soit par le petit « Deb », soit par Damodar, et Djoual-Koul les transmettra. Dans très peu de jours, peut-être demain, vos deux questions recevront de ma part une réponse circonstanciée. En attendant, sincèrement vôtre, — K.H.

Lettre n° XIV – 9 juillet 1882 – p. 99

[…] (N.B. – Ce qui est ci-dessus est de l’écriture de D.K. – le reste de celle de K.H. – A.P.S.) P.S. – Dans sa hâte, D.J.K. a fait quelque peu dévier sa figure de la perpendiculaire, mais elle peut servir d’aide-mémoire sommaire. Il l’a dessinée pour représenter le développement sur une seule planète, mais j’ai ajouté un mot ou deux afin qu’elle puisse s’appliquer aussi bien (ce qu’elle fait) à une chaîne manvantarique de mondes toute entière.— K.H.

Lettre n° XXI – août 1882 – p. 156

[…] Eh biens comment trouvez-vous l’idée et l’art de Djual-Khool ? Je n’ai rien aperçu de Simla pendant ces dix derniers jours. Affectueusement vôtre, — K.H.

Lettre n° XXIVb – automne 1882 – p. 209

[…] Quand l’homme intérieur se repose, l’adepte devient un homme ordinaire, limité à ses sens physiques et aux fonctions de son cerveau physique. L’habitude aiguise les intuitions de ses fonctions cérébrales mais ne peut toutefois les rendre super sensorielles. L’adepte intérieur est toujours prêt, toujours sur le qui-vive, et cela suffit pour nos desseins. Aux moments de repos, par conséquent, ses facultés sont aussi au repos. Quand je m’assieds pour prendre mes repas, ou quand je m’habille, lis ou suis autrement occupé, je ne pense même pas à ceux qui sont près de moi ; et Djoual Khoul a pu facilement se casser le nez à en saigner en courant dans le noir et en se heurtant à une poutre, comme il le fit l’autre nuit (simplement parce que, au lieu d’interposer une « pellicule », il avait absurdement paralysé tous ses sens extérieurs pendant qu’il parlait à un ami éloigné) alors que je demeurais placidement ignorant du fait. Je ne pensais pas à lui, d’où mon ignorance. De ce qui précède, vous pouvez bien conclure qu’un adepte est un mortel ordinaire à tous les moments de sa vie journalière, en dehors de ceux où l’homme intérieur est actif. […] — K.H.

Lettre n° XXIVb – automne 1882 – p. 213, 214

[…] Votre suggestion, concernant la prochaine tentative artistique de G.K., est adroite, mais pas suffisamment pour cacher les fils blancs de la noire insinuation jésuitique. G.K., toutefois, s’y est laissé prendre : « Nous verrons, nous verrons ! » dit la chanson française. G. Khoul dit (en présentant ses plus humbles salaams) que vous avez « incorrectement décrit le cours des événements en ce qui concerne le premier portrait ». […] Et ce fut lui encore G.K., le « grand artiste », qui dut faire disparaître la « sangsue »,. corriger le bonnet et les traits et qui le fit « ressembler au Maître » (il insiste pour me donner ce nom quoique en réalité, il ne soit plus mon chéla), étant donné que M., après l’avoir abîmé, ne voulait pas se donner la peine de le corriger mais préférait, au lieu de cela, aller dormir. Et, finalement, il me déclare qu’en dépit de mes moqueries au sujet du portrait, la ressemblance est bonne mais aurait été meilleure si M. Sahib n’était pas intervenu, et s’il lui avait été permis à lui, G.K., d’employer ses propres méthodes « artistiques ». […] — K.H.

Lettre n° XXV – 2 février 1883 – p. 235

[…] Là-dessus, Salam, et meilleurs souhaits. Je suis extrêmement occupé avec des préparatifs d’initiation. Plusieurs de mes chélas (Djoualkhoul parmi d’autres) s’efforcent d’atteindre « l’autre rive ». Fidèlement vôtre. — K.H.

Lettre n° XLVI – reçue à Simla 1882 – p. 314

[…] Par conséquent, si nous sommes les Orientaux ignorants et sauvages de sa fabrication – chaque loup étant maître dans sa tanière – nous revendiquons le droit de savoir mieux que personne ce que nous avons à faire et de décliner respectueusement ses services comme capitaine pour guider notre vaisseau théosophique, même sur « l’océan de la vie mondaine » pour employer la métaphore de sa sloka. Nous lui avons permis, sous le bon prétexte de sauver la situation vis-à-vis des théosophes britanniques, d’exprimer son animosité contre nous dans l’Organe de notre propre Société, et de faire notre portrait avec un pinceau trempé dans sa bile orgueilleuse – que demande-t-il de plus ? Comme j’ai ordonné à la vieille femme de lui télégraphier en réponse – il n’est pas le seul navigateur habile dans le monde ; il cherche à éviter les brisants occidentaux et nous à éloigner notre bateau des bancs de sable orientaux. Se propose-t-il aussi de dicter, du Chohan à Djoual Khool et à Deb, ce que nous ferons et ne ferons pas ? Ram, Ram et les Saints Nagas ! Est-ce après des siècles d’existence indépendante que nous devrons tomber sous une influence étrangère et devenir les marionnettes d’un Nawab de Simla ? Pense-t-il que nous sommes des écoliers, à vouloir nous soumettre à la férule d’un maître d’école Peling ?… […] Oh vous, Occidentaux, qui vous vantez de votre moralité !… Que les brillants Chohans vous gardent vous et les vôtres du mal qui approche, tel est le vœu sincère de votre ami. — M.

Lettre n° LIV – octobre 1882 – p. 351

[…] Même maintenant – ajoute-t-il – qu’il a obtenu la certitude subjective que nous sommes des entités distinctes de Mme B. – « je ne peux dire ce que vous êtes, vous pouvez être Djual Kool, ou un esprit d’un haut plan oriental », etc… de la même veine. […]

idem, p. 354

[…] Il fait de nous des Agnostiques ! Nous ne croyons pas en Dieu parce que jusqu’ici nous n’avons pas de preuve, etc… Cela est absurde et ridicule : s’il publie ce que j’ai lu, je ferai désavouer le tout par H.P.B. ou Djual Khool, car je ne peux laisser ainsi défigurer notre philosophie sacrée.. […]

idem, p. 363

[…] La phrase stéréotypée : « Ce n’est pas moi [H.P.B.]° ; je ne peux rien par moi-même… c’est toujours eux – les Frères… Je ne suis que leur esclave et leur instrument humble et dévoué » est tout à fait inexacte. Elle peut produire et, en fait, elle a produit des phénomènes, grâce à ses propres pouvoirs naturels, joints à un entraînement régulier de plusieurs années, et ses phénomènes sont quelquefois meilleurs, plus étonnants et bien plus parfaits que ceux de quelques hauts chélas initiés qu’elle surpasse en goût artistique et en appréciation de l’art à la façon purement occidentale – comme par exemple dans la production instantanée de tableaux témoin son portrait du « fakir » Tiravalla mentionné dans Hints et comparé avec mon portrait par Djual Khool. Malgré toute la supériorité des pouvoirs de ce dernier, si on les compare aux siens à elle, malgré sa jeunesse contrastant avec la vieillesse de H.P.B. et les avantages indéniables et importants qu’il possède pour n’avoir jamais mis son magnétisme pur et sans mélange en contact direct avec la grande impureté de votre monde et de votre société – malgré tout cela il ne pourra jamais, quoi qu’il fasse, produire un portrait comme celui-là, simplement parce qu’il est incapable de le concevoir dans son mental et sa pensée de tibétain. […] — K.H.

Lettre n° LXIII – Londres été 1884 – p. 415

[…] Mes lettres ne doivent pas être publiées de la manière que vous suggérez, mais au contraire, si vous voulez épargner de la peine à Djual K., vous enverrez la copie de quelques-unes au Comité littéraire à Adyar – Comité au sujet duquel Damodar vous a écrit – ainsi avec l’aide de S.T.K Charya, Djual K., Subba Row et du Comité Secret (d’où H.P.B. fut à dessein exclue par nous, pour éviter de nouveaux soupçons et de nouvelles calomnies) […] — K.H.

  D’autres part, Paul Johnson affirme que Djwal Khool était un des Instructeurs de la Théosophie. Or, il n’en fut rien car à cette époque — les années 70-80 du siècle dernier — il avait le statut de Disciple (du Mahatma Kout Houmi) et vivait auprès de son Maître au Tibet (Cf. Lettres des Mahatmas – Lettre n° XXV – 2 février 1883 – p. 235).  

« Identification » du Mahatma Morya

1 – Rencontre d’H.P.B. avec le Mahatma Morya
  • Paul Johnson dit : « L’histoire de la première rencontre de la jeune Helena avec son Maître (le Mahatma Morya) à Londres en 1851 n’a jamais été confirmée. » (op.cit.p.134).

    Pourquoi Paul Johnson ne mentionne pas le document trouvé, écrit de la main d’H.P.B. et datant de cette époque, conservé dans les archives de la Société Théosophique à Adyar (Madras-Inde) qui est explicite : « Nuit mémorable…. le 12 août 1851 lorsque je rencontrai de Maîtres de mes rêves [1] . Le 12 août, c’est juillet 31 style russe, jour de ma naissance — Vingt ans ! ». Est-ce que dès lâge de 20 ans, Mme Blavatsky aurait décidé d’être la mystificatrice que l’on détecta beaucoup plus tard en elle, et qui aurait, dès ce jeune âge, donc, rédigé « ce mensonge » de sa main ?
    Paul Johnson, pour fonder ses conjectures, ne souffle mot de cette pièce à conviction irréductible à moins qu’il ne considère ce document comme une falsification tardive (fait hautement improbable eu égard à son archivage hors de la portée d’H.P.B., en Russie). Si telle est l’opinion de P. Johnson, il doit à tout le moins faire une critique convaincante de ce document (conservé aux archives d’Adyar, donc analysable par lui ou tout expert) afin d’établir qu’il s’agit d’un faux. Cette démarche serait davantage apte à nous convaincre que son silence.
  • L’auteur dit : « Cette histoire [la rencontre à Londres avec le Mahatma Morya] est en fait basée sur la rencontre de Blavatsky avec Giuseppe Mazzini qui était exilé à Londres… » (op.cit.p.135).

    Mazzini
    Giuseppe Mazzini (1805-1872)
    Connaissant le témoignage de H.P.B. jeune, en Russie, à sa famille, à propos de l’Hindou qui la protège et la guérit mystérieusement d’une blessure à la poitrine et de tant d’autres épisodes où elle mentionne les Radja Yogi on la voit mal dire de Giuseppe Mazzini, révolutionnaire italien, — qu’elle a peut-être rencontré à Londres — que ce dernier est « le Maître de ses rêves »

    Sachant, de plus, le nombre de personnalités remarquables en matière d’Occultisme qu’H.P.B. a rencontrées dans son existence, sa vénération envers ce Maître serait bien étrange si elle s’exerçait envers Mazzini, aussi grande que soit l’envergure politico-révolutionnaire de celui-ci.
  • Paul Johnson affirme que le récit des évènements survenus à Londres en 1851 fait état « de subterfuges (blinds) devant masquer sa rencontre avec Mazzini ». (op.cit.p.141).
    Pourquoi spécialement Mazzini ? Pour rester logique, P. Johnson — puisqu’il tenait à la thèse du « subterfuge — aurait pu préciser que ce masque pouvait recouvrir X ou Y… Cette identification de Mazzini est tout à fait gratuite, car, P. Johnson, veut à tout prix faire rencontrer à H.P.B. n’importe qui, excepté celui qu’elle définit elle-même.
 
2 – Ranbir Singh, Maharaja du Cachemire, identifié au Mahatma Morya
  •  « HPB et le Royaume du Maître » (op.cit.p.150). Dans ce sous-titre, Paul Johnson prétend enfin — après Mazzini, selon la rédaction incertaine de cet auteur — révéler l’identité du Maître Morya : il s’agit du Maharadja du Cachemire, Ranbir Sing. Nous nous attendons donc à une description de ce personnage qui corresponde à toutes les situations auxquelles le mêle l’histoire théosophique. Or il n’en est rien, sur une question essentielle : La création projetée du journal indigène « Le Phoenix ».
  • La création d’un journal indigène, « Le Phoenix », est envisagé par les Maîtres Morya et Kout Houmi ; ce projet nécessite des capitaux qui ne pouront être réunis. La thèse de Paul Johnson contredit les événements liés à ce projet. En effet, des lettres du Mahatma Kout Houmi, adressées à A.P.Sinnett (Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar – 1990 – p.p.440-447) déplorent « le manque de patriotisme » que rencontre cette tentative avortée qui avait pourtant reçu la caution de « la Hiérarchie ». Comment se fait-il alors que le riche et puissant Maharadja du Cachemire, Ranbir Singh, ne soutienne pas « ses » propres oeuvres ? Ce dernier semble même curieusement « déchiré » entre deux attitudes, ainsi que l’évoque un propos du Mahatma Kout Houmi adressé à H.S. Olcott: « vous feriez mieux de dire nettement à M. Sinnett que son ancien ami de Simla [A.O. Hume] a — peu importe sous quelle influence — nettement compromis le projet du journal, non seulement pour ce qui est du Maharaja de Cachemire, mais de beaucoup d’autres dans l’Inde ». (Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar 1990 – p.432).

    Maharaja Ranbir Singh (1832-12 septembre 1885) Second Maharaja de Jammu et du Cachemire de 1857 à 1885

    Les suspicions de A.O. Hume à l’égard de l’identité des Mahatmas en général et du Maître Morya, pour ce qui nous concerne ici, sont bien connues. A.O. Hume est allé dénigrer ce projet de journal au Maharadja du Cachemire — sollicité pour une participation financière — qui, sous cette influence, se met à douter de l’exitence des Mahatmas. Si donc, le Mahatma Morya était ce Maharadja — ainsi que le prétend Paul Johnson — il serait venu à renier sa propre existence !
    Pensant accréditer sa thèse, P. Johnson cite, au sujet de cette affaire du « Phoenix », une lettre où le Maître Kout Houmi place ses espoirs dans les dons financiers du Maharadja du Cachemire (Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar 1990 – p.514) en évitant, toutefois, de citer celle que nous mentionnons précédemment. Le Maître, d’ailleurs, n’est pas sûr de cette participation : « jusqu’à ce que le Maharadja du Cachemire ait été sondé ». Si ce Prince avait été le Maître Morya, pourquoi pareille précaution et pourquoi n’aurait-il pas financé immédiatement son propre projet ? P. Johnson ne voit-il pas qu’il ruine lui-même sa propre hypothèse?
    Précisons que la fortune du Souverain d’un des plus riches États de l’Inde — le Maharadja du Cachemire — pouvait amplement suffire à la création dudit journal philosophique et « politique » (selon Paul Johnson) qui devait servir les buts des Mahatmas.
 
3 – Les pouvoirs occultes du Mahatma Morya.
  • Paul Johnson nous éclaire: « Que Ranbir Singh soit le maître de HPB dans l’optique envisagée par la tradition religieuse est improbable. Pas plus que celui-ci ne donna d’ordre par télépathie ou exerça d’étranges pouvoirs, selon les rapports historiques »… ( op.cit. p. 153).
    Il faut alors jeter au panier les 6 volumes des « Old Diary Leaves » d’Olcott, le livre de C. Wachmeister et enfermer à l’hôpital psychiatrique ces auteurs ainsi que les frères Keithley, Gebhard, Sinnett, etc… ou bien les citer devant un Tribunal posthume pour faux témoignage!
  • De plus, et particulièrement dans ce cas, on voit mal H.P.B. — qui n’a d’autre centre d’intérêts que l’Occultisme et qui a rencontré des êtres exceptionnels, dans ce domaine, au cours de ses voyages — se montrer soudain tout bonnement « captivée » par « la magnificence de R. Singh et son authentique bienveillance spirituelle » même, « … si elle ne l’a vu que de loin »!…(op.cit. p.151).
  • Comment envisager, enfin, qu’H.P.B. ait subitement décidé — puis clamé et ensuite souffert des années durant à cause de cet attachement et intégrité — que ce Maharadja, « vu que de loin… », est — pour elle et dans son imagination de folle, pense sans doute Paul Johnson — un Maître, un Mahatma à la tâche duquel elle dédiera sa vie ?
  • Toutefois, selon P.Johnson, le fait que Ranbir Singh puisse prêter assistance à H.P.B. pour aller au Tibet, ce qui est « le désir de son cœur » (op.cit.p.153), suffirait à celle-ci pour que ce Maharadja devienne « le modèle de toutes les vertus « du Maître M. » (op.cit.p.153), Maître dont le nom — l’initiale — figurait dans ses papiers personnels de ses vingts ans !
  • Cette dernière phrase implique donc qu’HPB., qui a tout sacrifié dans sa vie (argent, réputation, santé, etc…) à la Mission que lui a confiée son Maître, agissait ainsi sous l’emprise d’un mirage qu’elle aurait elle-même créé à la seule vue d’un magnifique Maharadja !
  • Quelle considération Paul Johnson porte-t-il aux écrits de la Fondatrice d’une Société dont il est lui-même membre ? Ceux-ci ne laissent en rien percevoir qu’elle fut mentalement débile.
 
4 – La résidence au Cachemire du prétendu Mahatma Morya.
  • Dans son argumentation, Paul Johnson dit : « Et quel enthousiasme fut plus profond…[pour HPB] que cette fascination pour le Tibet… » (op.cit.p.153).
  • Il ne précise pas, cependant, pourquoi pareil « désir du cœur » (op.cit.p.153).et pourquoi, puisqu’elle a enfin trouvé le Maître dans la personne de Ranbir Singh, elle s’acharne alors à aller au Tibet, sans se soucier de l’Enseignement Esotérique que ce Maître-Maharadja devrait, en toute logique et selon la tradition liant Guru et Disciple, lui dispenser ? N’aurait-elle donc trouvé « le Maître de ses rêves » (Cf. archives d’Adyar- Scrab Book) que pour songer à le quitter aussitôt ? Tous les efforts — notamment son acharnement à cette fin tout au long des années 1854-1884 — que fait H.P.B. pour aller au Tibet impliquent, au contraire, que la résidence de son Maître est au Tibet.
  • Si, en réalité, ces Mahatmas résidaient, — selon les conjectures de Johnson — l’un près d’Amristar — nous étudierons cette conjecture de Johnson au sujet du Mahatma Kout Houmi dans les pages qui suivent — et l’autre dans son palais cachemirien, cette « fascination » n’aurait aucun sens ! N’est-ce pas dans le Sikkim qu’elle retrouve les Maîtres après 2 et 3 ans de séparation (Lettres des Mahatmas – Ed. Adyar – 1990 – p. 364). Et lorsque le Chohan — le Supérieur hiérarchique des Mahatmas, Chef de la Conférie des Adeptes transhimalayens — pour des motifs de sécurité, interdit à H.P.B., qui doit se faire soigner par son Maître, l’accès au Tibet, en 1884… c’est vers le Sikkhim, (état limitrophe du Tibet, relié à ce dernier par la route directe Darjeeling-Gangtok-Shigatsé) — et non au Punjab (Amristar) ou au Cachemire (chez le Maharadja supposé être le Mathama Morya) — que de multiples témoins accompagnent « la Vieille Dame » et c’est là aussi que les Maîtres Morya et Kout Houmi rejoignent cette dernière.
  • Comment concilier, au demeurant, la présence quasi-permanente du Mahatma Morya au-delà de l’Himalaya (cf. toutes les Lettres des Mahatmas que ne révoque pas Paul Johnson, celles-ci étant amplement utilisées par lui), avec les fonctions de Radja régnant qu’il lui prête.
  • Lorsque, de plus, S. Ramaswamier veut rencontrer le Mahatma Morya, il précise, dans son récit (Lettres des Maîtres de la Sagesse, tome 2, p.p. 143-153) qu’il suivait « le chemin conduisant à la ville de Sikkhim d’où, (lui) assuraient les personnes rencontrées, (il) pourrait facilement passer au Tibet… ». Pourquoi tant de peines et de dangers affrontés alors qu’il lui suffit d’aller au palais du Maharadja du Cachemire ?
  • Citons, enfin, les affirmations mêmes du Mahatma Morya : « …puis on me fait dater mon message supposé de Ladhak, 16 décembre, alors que je jure j’étais à Ch-in-ki (Lhassa)… ». (Lettres des Mahatmas – p.504).
 
5 – Le portrait physique du Mahatma Morya.
  • Le même Ramaswamier rencontre sur sa route, dans le Sikkhim — et non vers Jammu — le Mahatma Morya. Il confirmera par la suite en tout point la description donnée par Olcott et H.P.B. à propos de leur Maître. Il ne démentira pas celle-ci lorsque les portraits de Schmiechen seront publiés à partir de 1884.
  • Nul ne reconnaîtra, de surcroît, dans le portrait du Mahatma Morya, la physionomie du Maharadja du Cachemire, connue de la multitude nord-indienne (il était une personnalité publique) ainsi que des proches des Fondateurs lesquels, de fait, le fréquentaient assidûment.
  • A tout moment, par conséquent, les arguments de Paul Johnson impliquent davantage qu’un « masque ». Ils dénoncent une véritable imposture qui engage, autour d’H.P.B., tous ceux qui lui ont apporté crédit.
 
6 – Les idéaux du Mahatma Morya.
  • Paul Johnson prétend tout au long de son discours que les préoccupations essentielles des Mahatmas Indiens sont d’ordre politique. Or, en étudiant les Lettres des Mahatmas, on ne découvre rien d’autre que des spéculations philosophiques et un Enseignement Esotérique élevé, assorties çà et là de considérations sur la situation politique de l’Inde qui ne font jamais ressortir un soutien aux idées d’Indépendance immédiate qui seraient « une conspiration internationale » dans laquelle le prétendu Maître Kout Houmi (c’est à dire Thakar Singh, selon Johnson) joue « un rôle-clé » impliquant, entre autres, les rapports politiques entre la Russie, le Tibet et l’Inde, via l’éditeur Katkoff (op.cit.180), considéré par Paul Johnson comme étant « en un sens supérieur à K.H. dans le groupe d’initiés…. » (op.cit. p.133).
  • Enfin, Paul Johnson effectue — mais avec une conclusion incohérente — des rappochements curieux, ainsi que le révèle J. Algeo ; en effet, à la poursuite de l’identification du Mahtama Morya, il attribue la conduite sectaire du Maharadja du Cachemire, Ranbir Singh, et quelques traits moraux « monomaniaques » de ce dernier au… Mahatma Kout Houmi ! Identifier Morya en se référant à Kout Houmi est totalement illogique.

    Compte tenu de ce qui précède, et qui est loin d’être exhaustif…, il est patent que l’identification du Mahatma Morya à Ranbir Singh, Maharadja du Cachemire, tout honnête homme que fût ce dernier, assassiné à la suite d’une conspiration « le 12 septembre 1885 » (op.cit.p.144 et p.150), n’est aucunement prouvée et s’avère, enfin, eu égard à l’ensemble du contexte théosophique, profondément absurde.
 


[1] Le Maître qu’elle voyait en rêve durant son enfance.

« Identification » du Mahatma Kout Houmi

 
Takur Singh Sandhanwalia (1837-1887)
 

Paul Johnson identifie le Mahatma Kout Houmi au Sirdar[1] du Temple d’Or d’Amritsar (Penjab – Inde), Takur Singh Sandhanwalia.

Celui-ci est, en réalité, le « Premier Président du Sikh Sabha », un dignitaire sikh totalement engagé dans un complot patriotique, étendu sur plusieurs années, visant à rétablir son cousin, le « Maharadja détrôné » Duleep Singh, sur le trône de Lahore.

Cette tentative, mal conduite contre un ennemi trop puissant et au profit d’un Prince inconstant, échoue lamentablement.

Paul Johnson nous informe qu’un secrétaire du gouvernement anglais du Penjab écrit un rapport au sujet de Takur Singh, en 1885 :

« Sirdar Takur Singh est en disposition d’intriguer, et il n’est pas dépourvu de certaines ressources à cet égard. Il n’est cependant pas bon homme d’affaires et se trouve lourdement endetté. Il est inquiet de réapparaître dans cette partie du Penjab par crainte de ses créanciers, au moins de l’un d’eux qui a obtenu un décret contre lui. En 1883, il a fait appel au gouvernement… pour être déclaré inapte à gérer son patrimoine. Le décret fut pris et ses affaires sont maintenant administrées par les juges de tutelle. »

(op. cit., p. 207)

Un témoin décrit Takur Singh ainsi :

« Takur Singh parlait constamment du maharadja Duleep Singh qu’il avait vu en Angleterre comme d’une incarnation de la déité et dit qu’il reviendrait bientôt reprendre son royaume… »

(op. cit., p. 219)

Finalement, Takur Singh achévera ses jours misérablement, dans l’effondrement de ses illusions. Voilà donc la situation du « Mahatma Kout Houmi » de Paul Johnson lorsque celui-ci donne des leçons de Philosophie Bouddhiste (quoique étant Sikh !) dans les années 1880 en résidant, de plus, à Shigatsé (Tibet). (cf. Lettres des Mahatmas). En fait, les intrigues menées au profit du Prince Duleep Singh sont une conspiration religieuse fondée sur un discours de fanatisme messianique incompatible de bout en bout avec les propos de l’auteur des « Lettres des Mahatmas ». Paul Johnson prétend que Mme Blavatsky, dans sa volonté de convertir les maharadjas à la Théosophie et d’impliquer également Takur Singh dans une conspiration russe menée par son éditeur, Katkoff, ne se doutait sans doute pas des effets funestes de son action sur le « Mahatma ». En effet nous apprenons de Paul Johnson « … que le martyre de Takur Singh était dû en partie à l’inspiration d’H.P.B. » (op. cit., p.230) ; et, plus loin, que « la mort, dans le cas de Takur Singh, fut celle à laquelle il fut conduit par son engagement auprès d’H.P.B. » (op. cit., p. 236) — Cela après avoir voulu « régner comme un dieu sur l’Inde reconnaissante » (idem). Les arguments produits pour soutenir cette identification sont, de la part de Paul Johnson, très faibles :
  1. une extrapolation tendancieuse des quelques fragments des « Lettres des Mahatmas » qui évoquent la situation décadente de l’Inde ….
  2. les relations d’écrivain à éditeur (H.P.B. et Katkoff) ;
  3. les relations d’H.P.B., non pas avec le Prince Duleep Singh, mais avec quelques amis de ce dernier ;
  4. la présence du « vrai » Mahatma Kout Houmi à Amristar où ce dernier rencontre H.S. Olcott. A cette occasion, un argument plus que fallacieux est employé par Paul Johnson qui raisonne ainsi : si H.S. Olcott, dans un article ultérieur du Theosophist, ne nomme pas Takur Singh parmi des Sirdars du Temple d’Or… c’est précisément parce qu’il doit être là et que c’est le Maître. C’est ce type de « démonstration » que M. Algeo nomme « la logique d’Alice au pays des merveilles » (Cf. T.H. V, N°7, p. 244). Il fut un temps où le rationalisme avait davantage de nerf.
Paul Johnson suppose enfin que c’est à la suite d’une rencontre qu’H.P.B. aurait faite avec le « Mahatma-Takur Singh » en 1880, à Amritsar, que commence la production des « Lettres des Mahatmas » adressées à A.P. Sinnet. Il dit :
« Est-ce qu’H.P.B. a fait un arrangement avec un Alkali du Temple d’or, un Sikh du Penjab, lequel conduisit à la production des lettres de K.H. ? »
Rappelons, enfin, que le « vrai » Mahatma, cachemirien de naissance (Lettres des Maîtres de la Sagesse – T1 – lettre n° 21) écrivait ses lettres à partir du Tibet.

Compte tenu de ce qui précède, nous ne croyons pas à l’identification de Paul Jonhson au sujet du Mahatma Kout Houmi.

 


[1] Sardar ou Sirdar : titre désignant une personne de haut rang (noblesse héréditaire, chef de clan, haut officier militaire, etc.) en Inde, Pakistan ou Afghanistan.